En ce samedi ensoleillé, les Libyens se sont rendus en nombre dans les bureaux de vote pour élire leurs représentants locaux. Une lueur d’espoir semble briller à nouveau sur ce pays meurtri par une décennie d’instabilité politique depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Malgré les divisions qui minent le pays, gouverné par deux exécutifs rivaux, les citoyens ont tenu à faire entendre leur voix démocratique.
Plus de 180 000 électeurs appelés aux urnes
Selon les chiffres de la Haute commission nationale des élections (HNEC), ce sont 186 055 Libyens qui étaient invités à désigner leurs conseillers municipaux. Au total, 2 331 candidats se sont présentés pour briguer 426 sièges dans 58 conseils locaux à travers le pays. Une avancée notable puisque pour la première fois depuis 10 ans, le scrutin se déroule sur l’ensemble du territoire, y compris dans l’Est du pays.
Une mobilisation encore timide mais porteuse d’espoir
Si la participation est restée en-deçà des attentes dans certaines villes comme Misrata, avec un taux de 49% en milieu de journée selon la HNEC, l’engouement et la détermination des électeurs restent palpables. Comme l’explique Hamida al-Mangoush, rencontrée dans un bureau de vote :
Nos concitoyens sont encore réticents à participer pleinement au processus démocratique. Mais voir trois femmes candidates dans ma circonscription est un signe encourageant pour la participation des Libyennes.
De son côté, Salma Ismaïl, une autre électrice, pointe du doigt certaines difficultés d’organisation et un manque de sensibilisation qui expliquent aussi la mobilisation en demi-teinte. Mais elle veut croire en ce scrutin :
C’est une expérience nouvelle pour les Libyens mais c’est l’aboutissement des espoirs de la révolution de 2011 et des sacrifices de nos jeunes. Il faut donc participer.
Un test grandeur nature pour la démocratie libyenne
Au-delà des enjeux locaux, ce scrutin municipal fait figure de répétition générale pour le processus de réconciliation nationale. Des élections présidentielle et législatives étaient prévues en décembre 2021 mais ont été reportées sine die en raison des profondes divergences entre l’Est et l’Ouest du pays.
Pour Stephanie Koury, cheffe par intérim de la mission d’appui de l’ONU en Libye, la tenue de ces municipales “prouve que des élections sont possibles en Libye en tant qu’outil de transfert pacifique du pouvoir”. Un constat partagé par le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah qui a appelé ses concitoyens à accomplir leur “devoir national” en se rendant aux urnes.
Le long chemin vers la stabilité
Si l’enthousiasme et la détermination semblent au rendez-vous, personne n’est dupe de l’immense défi qui attend encore la Libye sur la voie de la stabilité et de la démocratie. Le pays reste profondément divisé, avec des institutions faibles et concurrentes, une économie en lambeaux et des ingérences étrangères persistantes.
Mais comme le résume avec philosophie Mohamed Al-Ghirani, un habitant de Misrata :
Tôt ou tard, nous rejoindrons les peuples de la démocratie.
Ces élections municipales, aussi imparfaites soient-elles, constituent indéniablement un pas dans la bonne direction. Elles témoignent de la soif de participation citoyenne et de l’attachement des Libyens aux valeurs démocratiques, envers et contre toutes les difficultés. Un signal d’espoir pour l’avenir de ce pays qui cherche, scrutin après scrutin, à tourner la page d’une décennie de chaos.
Le chemin sera encore long et semé d’embûches, mais la détermination des électeurs libyens en ce samedi ensoleillé montre que l’espoir d’une Libye réconciliée, stable et démocratique est plus vivace que jamais. À l’image de ces femmes et hommes qui ont bravé les difficultés pour glisser leur bulletin dans l’urne, le pays tout entier semble décidé à prendre son destin en main, un vote à la fois.