Un simple coup de fil qui déchaîne les passions. Vendredi dernier, le chancelier allemand Olaf Scholz s’est entretenu pendant une heure avec le président russe Vladimir Poutine, pour la première fois depuis près de deux ans. Une initiative diplomatique qui a provoqué un tollé au sein de l’opposition conservatrice outre-Rhin. Le parti CDU/CSU accuse en effet le dirigeant social-démocrate d’avoir, par cet appel, contribué à la propagande du Kremlin.
Un “succès de propagande” pour Poutine ?
Selon Jürgen Hardt, porte-parole de la CDU pour la politique étrangère, Vladimir Poutine percevra cet appel “plus comme un signe de faiblesse que de force” de la part d’Olaf Scholz. Il reproche au chancelier d’avoir offert une victoire de communication au maître du Kremlin, et ce pour des raisons de politique intérieure. En effet, Olaf Scholz doit se représenter aux élections en février 2025, dans un contexte difficile pour son parti. D’après les derniers sondages, le SPD est crédité de seulement 15% d’intentions de vote, loin derrière les conservateurs.
Pour l’opposition, cet appel téléphonique serait donc avant tout un coup politique du chancelier, qui chercherait à apparaître comme l’homme du dialogue et de la négociation, dans l’espoir de redorer son blason auprès des électeurs. Mais cette stratégie risque de se retourner contre lui, estime Jürgen Hardt. Car Vladimir Poutine ne comprendrait que le rapport de force, comme la menace d’une aide militaire accrue à l’Ukraine.
Scholz a-t-il été assez ferme ?
Lors de l’entretien téléphonique, Olaf Scholz a certes demandé à la Russie “d’entamer des négociations avec l’Ukraine en vue d’une paix juste et durable”, selon un communiqué officiel. Mais sans poser d’ultimatum ni faire de proposition concrète, déplore l’opposition. Trop peu pour impressionner le président russe, qui aurait surtout retenu de cet appel la volonté du chancelier de renouer le dialogue, analyse le magazine Der Spiegel.
Du côté de l’Ukraine aussi, cet échange a du mal à passer. Le président Volodymyr Zelensky a reproché à son homologue allemand d’avoir ouvert “la boîte de Pandore” en discutant avec Vladimir Poutine. Kiev y voit une tentative d'”apaisement” envers Moscou, au moment où le soutien occidental commence à s’éroder.
La position allemande sur l’Ukraine fragilisée
Cette polémique met en lumière les difficultés du gouvernement allemand à définir une ligne claire sur le dossier ukrainien. Premier partenaire économique de la Russie en Europe, l’Allemagne a longtemps privilégié la voie diplomatique et rechigné à livrer des armes lourdes à Kiev. Depuis le début de l’invasion russe, Berlin a revu sa position et est devenu le deuxième fournisseur d’armement de l’Ukraine après les États-Unis. Mais en excluant la livraison d’armes offensives à longue portée.
Un entre-deux de plus en plus difficile à tenir, entre la pression de l’opposition et des alliés pour durcir le ton face à Moscou, et la volonté de garder un canal de discussion ouvert avec le Kremlin. En appelant Vladimir Poutine, Olaf Scholz a voulu montrer qu’il n’abandonnait pas la voie du dialogue. Mais il prend le risque d’apparaître comme le maillon faible de la coalition anti-Poutine. Un faux pas diplomatique qui pourrait lui coûter cher politiquement.