Le président élu Donald Trump vient de procéder à des nominations chocs au sein du ministère de la Justice américain. Pour seconder le controversé Matt Gaetz, promu ministre, le milliardaire républicain a en effet choisi de nommer trois de ses propres avocats, qui le défendent actuellement dans ses multiples affaires judiciaires, à des postes clés de cette institution. Une décision qui suscite de vives critiques et des interrogations sur de potentiels conflits d’intérêts.
Des fidèles de Trump propulsés à la Justice
Pour épauler Matt Gaetz, un trumpiste convaincu dont la confirmation par le Sénat est incertaine en raison de soupçons de relations avec une mineure, le 45e et futur 47e président des États-Unis a jeté son dévolu sur Todd Blanche, Emil Bove et John Sauer. Ces trois éminents juristes, qui ont pignon sur rue, ont ainsi été propulsés numéros deux, trois et quatre du ministère. Un choix qui ne doit rien au hasard puisqu’ils font partie de la garde rapprochée d’avocats qui défendent bec et ongles Donald Trump dans ses démêlés judiciaires.
L’affaire Stormy Daniels en toile de fond
MM. Blanche et Bove se sont particulièrement illustrés dans le sulfureux dossier des paiements dissimulés à l’ex-actrice de films X Stormy Daniels. Malgré leurs efforts, ce procès avait débouché sur une condamnation historique de Donald Trump par la justice new-yorkaise le 30 mai dernier. Du jamais vu pour un ancien locataire de la Maison Blanche !
Les deux hommes conseillent également le milliardaire dans deux autres affaires fédérales instruites à son encontre. Leur nomination apparaît donc comme une tentative à peine voilée de garder la mainmise sur ces dossiers brûlants.
Un spécialiste de l’immunité présidentielle en renfort
Quant au troisième larron, John Sauer, il s’est distingué en plaidant avec succès l’immunité présidentielle de Donald Trump devant la Cour suprême. Un atout de poids pour le candidat républicain, bien décidé à se draper dans ses privilèges une fois revenu au pouvoir pour échapper à la justice. En tant que solicitor general, M. Sauer sera justement chargé de défendre les intérêts de l’exécutif devant la haute cour.
Tous trois disposent en outre d’une solide expérience, ayant officié comme procureurs fédéraux ou au sein de prestigieux cabinets d’avocats. Des cv en béton, qui ne suffisent pas à dissiper les doutes sur leurs possibles conflits d’intérêts.
Vers un abandon des poursuites contre Trump ?
Dans l’affaire Stormy Daniels, les avocats de Donald Trump multiplient justement les manœuvres pour obtenir un non-lieu. Invoquant son immunité présidentielle et sa réélection, ils espèrent faire annuler sa condamnation. La décision est attendue le 19 novembre. La présence de ses conseils à la tête du ministère de la Justice ne risque-t-elle pas de peser sur l’impartialité des procédures ?
Deux autres affaires sensibles, confiées jusqu’ici à un procureur spécial, vont également se retrouver sous la coupe des hommes de Trump : les soupçons de tentatives illégales de renverser le résultat de la présidentielle de 2020 et la rocambolesque histoire des documents classés emportés par le milliardaire en quittant la Maison Blanche. Là encore, Todd Blanche et Emil Bove, qui défendent Donald Trump dans ces dossiers, pourraient d’un simple coup de crayon les faire partir aux oubliettes…
Vives critiques des démocrates
Sans surprise, ces nominations en forme de pied de nez à l’État de droit suscitent l’ire des démocrates. Le sénateur Dick Durbin, patron jusqu’en janvier de la commission judiciaire de la chambre haute, a ainsi accusé Donald Trump de vouloir instrumentaliser la Justice pour chercher à se venger
de ses opposants en faisant du ministère son propre cabinet juridique avec ses avocats personnels.
Reste à savoir si les élus républicains, majoritaires au Congrès depuis les midterms, oseront s’opposer à ces choix pour le moins discutables. Rien n’est moins sûr tant Donald Trump a resserré son emprise sur le parti depuis sa victoire le 5 novembre. Ses opposants en interne risquent de se retrouver marginalisés, voire menacés d’exclusion par une base galvanisée par son retour au pouvoir.
Seule certitude : le ministère de la Justice s’apprête à changer radicalement de visage. Avec un seul mot d’ordre : protéger coûte que coûte le patron, quitte à jeter aux orties le principe d’impartialité et l’indépendance des procureurs. Une dérive autocratique qui risque de durablement affaiblir les contre-pouvoirs et l’équilibre institutionnel américain.