En Allemagne, les lignes bougent sur la question sensible de l’endettement public. Alors que le pays se prépare à des élections législatives anticipées en février 2025, les leaders des deux principaux partis, Olaf Scholz pour le SPD et Friedrich Merz pour la CDU, ont surpris en évoquant une possible réforme du fameux “frein à l’endettement”. Cette règle d’or, inscrite dans la Constitution depuis 2009 et symbole de la rigueur budgétaire chère à Angela Merkel, limite strictement la capacité d’emprunt du gouvernement. Mais face à une économie allemande qui s’essouffle, l’heure serait-elle venue d’assouplir ce carcan ?
Le SPD et la CDU ouvrent la voie à un compromis
C’est Friedrich Merz, chef de file des conservateurs et candidat déclaré à la chancellerie, qui a le premier évoqué une possible modification du frein à l’endettement cette semaine. Une petite révolution venant de la CDU, parti qui a fait de cette mesure son étendard pendant les années Merkel. Mais pour Merz, l’objectif serait de “soutenir l’investissement et le progrès”, pas de “dépenser encore plus d’argent pour la consommation et la politique sociale”.
Du côté du SPD, on a immédiatement saisi la balle au bond. Le co-président du parti Lars Klingbeil a proposé à son adversaire de s’entendre sur une réforme avant les élections de 2025. “On peut le faire maintenant si on dit que nous voulons garder ce pays fort”, a-t-il déclaré. Le chancelier Olaf Scholz s’est lui aussi dit favorable à “une réforme modérée” du frein à l’endettement pour relancer l’économie.
Vers une “grande coalition” après 2025 ?
Si le SPD et la CDU semblent se rapprocher sur ce dossier, c’est que les deux partis ont en ligne de mire les élections anticipées provoquées par l’éclatement de la coalition gouvernementale la semaine dernière. Avec 33% des intentions de vote, les conservateurs partent favoris mais auront besoin d’alliés pour gouverner. Une “grande coalition” avec le SPD, comme celle qui a dirigé le pays de 2013 à 2021, est l’un des scénarios les plus probables.
En ouvrant la porte à une réforme du frein à l’endettement maintenant, SPD et CDU préparent sans doute le terrain à leur future entente. Car modifier la Constitution nécessite une majorité des deux tiers au Bundestag, impossible sans les voix conservatrices. En tendant la main dès à présent, Olaf Scholz espère ainsi forcer le destin et imposer son agenda économique pour l’après-2025.
Un espoir pour l’économie allemande ?
Au-delà des calculs politiques, c’est bien la situation préoccupante de l’économie allemande qui pousse à une remise en question du dogme budgétaire. Comme le soulignait récemment le rapport annuel des “Sages économiques”, un assouplissement mesuré du frein à l’endettement permettrait de soutenir l’investissement public et la croissance, au moment où le pays traverse une passe difficile.
Une réforme modérée du frein à l’endettement pourrait donner un coup de pouce bienvenu à notre économie, à condition qu’elle soit ciblée sur des dépenses d’avenir.
Un expert économique proche du gouvernement
Reste à savoir jusqu’où SPD et CDU seraient prêts à aller dans l’assouplissement des règles. Les conservateurs insistent sur le fait que les dépenses supplémentaires devraient avant tout soutenir la compétitivité, quand la gauche rêve d’utiliser ces marges pour financer de nouvelles prestations sociales. Un débat qui ne manquera pas d’animer la campagne des législatives.
Le spectre d’une dérive des finances publiques
Mais tous les experts ne sont pas convaincus par la nécessité d’un tel virage. Certains mettent en garde contre le risque de voir l’endettement public s’envoler si les vannes budgétaires sont ouvertes. L’Allemagne a bâti une grande partie de sa prospérité sur la maîtrise de ses dépenses, et beaucoup craignent qu’un assouplissement même limité du frein à l’endettement n’ouvre la boîte de Pandore.
Le frein à l’endettement est l’un des piliers de la stabilité économique allemande. Y toucher, c’est prendre le risque de déstabiliser nos finances publiques à long terme.
Un haut fonctionnaire du ministère des Finances
SPD et CDU devront donc rassurer sur leur capacité à maintenir une certaine discipline budgétaire s’ils veulent convaincre les allemands du bien-fondé d’une telle réforme. Un défi de taille, alors que la campagne électorale promet déjà son lot de surenchères. Mais l’ampleur de la crise économique qui s’annonce pourrait finir de faire pencher la balance en faveur d’un assouplissement, au moins temporaire, du carcan budgétaire.
Les prochains mois s’annoncent en tout cas décisifs pour l’avenir du modèle économique allemand. Entre la nécessité de soutenir la croissance et la crainte d’une dérive des comptes publics, Olaf Scholz et Friedrich Merz devront trouver le point d’équilibre. Un compromis sur lequel pourrait bien se bâtir la prochaine coalition gouvernementale, et qui déterminera la capacité de l’Allemagne à affronter les défis de l’après-crise.