Depuis plus d’un an, le Soudan est déchiré par une guerre sanglante opposant l’armée régulière à des forces paramilitaires. Si l’ampleur du drame humain était déjà connue, une étude universitaire vient réévaluer à la hausse le bilan des victimes, avançant des chiffres bien plus sombres que les estimations officielles. Une révélation qui souligne l’urgence d’agir pour mettre un terme à ce conflit dévastateur.
26 000 morts rien qu’à Khartoum, selon une étude choc
Des chercheurs de la prestigieuse London School of Hygiene and Tropical Medicine tirent la sonnette d’alarme. Selon leur analyse poussée, le nombre de décès liés à la guerre serait « largement » sous-estimé. Rien que dans la région de la capitale Khartoum, l’étude dénombre pas moins de 26 000 morts directement causés par les violences, sur les 14 premiers mois du conflit.
Un bilan partiel qui dépasse déjà le total de 20 178 victimes recensées par l’ONG Acled pour l’ensemble du pays sur la même période. « Nos résultats suggèrent que les décès sont largement passés sous les radars », alertent les chercheurs dans leur publication.
La mortalité globale bondit de 50% dans la capitale
Au-delà des victimes directes des combats, c’est la mortalité dans son ensemble qui flambe à Khartoum, épicentre des affrontements. Entre avril 2023 et juin 2024, toutes causes confondues, plus de 61 000 personnes y ont perdu la vie, soit une augmentation de 50% par rapport à la période d’avant-guerre.
Une hécatombe silencieuse, en grande partie due à la dégradation catastrophique des conditions de vie et d’accès aux soins. « L’estimation des décès dans la seule région de Khartoum est nettement plus élevée que les décès signalés pour l’ensemble du pays, ce qui met en évidence une sous-déclaration considérable », insistent les auteurs.
Des données inédites compilées malgré le chaos
Pour parvenir à ces chiffres, les chercheurs londoniens ont dû faire preuve d’ingéniosité dans un contexte d’accès à l’information très dégradé. Ils ont compilé et recoupé des données issues :
- D’une enquête publique
- D’annonces de décès partagées sur les réseaux sociaux
- D’estimations démographiques
Un travail de fourmi qui leur a permis d’établir « la première estimation empirique du nombre de morts, toutes causes confondues, dans la région de Khartoum », une zone particulièrement difficile d’accès pour les observateurs.
L’ONU redoute une intensification du conflit
Cette étude alarmante survient alors que le Soudan connaît une nouvelle flambée de violences, avec notamment une intensification des exactions contre les civils. Dans un rapport publié mardi, l’ONU a prévenu que le conflit risquait encore de s’aggraver.
Les deux généraux rivaux semblent persuadés de pouvoir l’emporter sur le terrain.
L’ONU dans son dernier rapport
Une escalade dont la population civile risque encore de faire les frais. Selon des sources concordantes, les belligérants n’hésiteraient plus à s’en prendre directement aux habitants, avec de nombreux cas de pillages, viols et exécutions sommaires rapportés.
Pourquoi une telle sous-estimation du bilan ?
Si les chiffres exacts restent difficiles à établir, plusieurs facteurs expliquent la sous-évaluation du nombre de victimes :
- L’intensité des combats dans certaines zones, rendant tout décompte impossible
- Le contrôle de l’information par les différentes factions armées
- La dislocation des services publics, notamment de santé, censés rapporter les décès
- Les mouvements massifs de population fuyant les violences, avec de nombreux décès non comptabilisés
Face à la gravité de la situation, les auteurs de l’étude appellent la communauté internationale à intensifier ses efforts diplomatiques pour obtenir un cessez-le-feu durable. Ils exhortent aussi à un accès sans entrave de l’aide humanitaire à la population soudanaise, menacée de famine.
Une mobilisation d’urgence indispensable pour éviter que ce conflit déjà dévastateur ne vire à la catastrophe humanitaire de grande ampleur, dans l’un des pays les plus pauvres de la planète. L’étude londonienne, en révélant l’étendue potentiellement bien plus grande du drame, sonne comme un ultime avertissement.