Le bras de fer entre le gouvernement nicaraguayen et l’Église catholique s’intensifie. Mgr Carlos Herrera, évêque de Jinotega et président de la conférence épiscopale du Nicaragua (CEN), vient d’être expulsé vers le Guatemala. Il est le troisième évêque à subir cette sanction, après Rolando Alvarez et Isidoro Mora, un temps emprisonnés avant d’être envoyés à Rome.
Selon une source proche du dossier, Mgr Herrera est entré au Guatemala ce jeudi, sans toutefois bénéficier du statut de demandeur d’asile. Son expulsion marque une nouvelle étape dans la confrontation qui oppose le président Daniel Ortega et son épouse, la vice-présidente Rosario Murillo, à l’Église catholique nicaraguayenne.
L’Église accusée de soutenir l’opposition
Le couple présidentiel reproche en effet à l’Église d’avoir appuyé les manifestations antigouvernementales de 2018, qui ont fait plus de 300 morts selon l’ONU. Ortega et Murillo y voient une tentative de coup d’État orchestrée par les États-Unis, et considèrent depuis les responsables catholiques comme des traîtres à la nation.
Dans ce contexte de défiance, le Nicaragua a durci son arsenal juridique et suspendu l’autorisation d’exercer de plus de 3 000 ONG. Selon l’organisation “Colectivo Nicaragua Nunca Mas”, basée au Costa Rica, plus de 50 religieux, dont 43 prêtres, ont été expulsés, tandis qu’environ 200 se sont vu interdire l’entrée sur le territoire nicaraguayen.
Un appel à respecter la liberté de culte
Face à cette situation préoccupante, le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Vatican, a enjoint en septembre dernier le gouvernement Ortega à respecter la “liberté de culte”, lors de son intervention à l’Assemblée générale des Nations unies. Un appel relayé par la Fondation pour la liberté du Nicaragua, qui exhorte la communauté internationale et les organisations de défense des droits de l’Homme à “dénoncer cet outrage et à exiger le respect de la foi et de ses représentants dans le pays”.
Le bannissement arbitraire de Mgr Herrera continue de montrer les persécutions dont l’Église catholique est victime de la part de la dictature.
Alliance universitaire nicaraguayenne
Pour Félix Maradiaga, ancien candidat à la présidence aujourd’hui exilé aux États-Unis, l’expulsion de l’évêque de Jinotega constitue “une nouvelle atteinte à la liberté religieuse et à la dignité humaine au Nicaragua”. Un constat partagé par de nombreux observateurs, alors que depuis février 2023, quelque 450 opposants politiques, hommes d’affaires, journalistes, intellectuels, militants des droits humains et religieux ont été expulsés du pays et déchus de leur nationalité pour “trahison”.
Une Église sous pression dans un pays en crise
L’expulsion de Mgr Herrera s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes entre le pouvoir et l’Église catholique au Nicaragua. Accusée de soutenir l’opposition, cette dernière fait l’objet d’une répression de plus en plus sévère de la part du régime Ortega-Murillo, qui n’hésite pas à recourir à l’emprisonnement et à l’exil forcé pour faire taire les voix dissidentes.
Cette situation préoccupante témoigne de la dégradation continue des libertés fondamentales dans ce pays d’Amérique centrale, plongé dans une grave crise politique et sociale depuis 2018. Alors que le gouvernement nicaraguayen se radicalise et se replie sur lui-même, l’avenir des relations entre l’État et l’Église catholique apparaît plus incertain que jamais.
Une communauté internationale interpellée
Face à ces atteintes répétées aux droits humains et aux libertés religieuses, la communauté internationale se doit de réagir. Les appels lancés par le Vatican et les organisations de défense des droits de l’Homme doivent être entendus et suivis d’effets, afin de faire pression sur le régime Ortega-Murillo et d’obtenir le respect des libertés fondamentales au Nicaragua.
Il en va de la stabilité et de l’avenir démocratique de ce pays, mais aussi de la crédibilité des instances internationales, qui ne peuvent rester silencieuses face à de tels agissements. L’expulsion de Mgr Herrera doit servir d’électrochoc et inciter la communauté des nations à se mobiliser pour défendre les valeurs universelles de liberté, de tolérance et de respect des droits humains.
Car au-delà du cas nicaraguayen, c’est bien la question de la place des religions et de la liberté de culte dans nos sociétés qui est posée. Dans un monde de plus en plus polarisé et confronté à la montée des extrémismes, il est crucial de réaffirmer l’importance du dialogue interreligieux et du respect mutuel, gages essentiels de paix et de cohésion sociale.
L’expulsion de Mgr Herrera, dernier épisode en date de la crise qui secoue le Nicaragua, doit donc tous nous interpeller et nous inciter à la vigilance. Car la défense des libertés religieuses, indissociable de celle des droits humains, est l’affaire de tous, et engage notre responsabilité collective.