C’est un séisme qui ébranle le monde feutré des grands magasins de luxe. Les frères Al-Fayed, figures emblématiques d’Harrods à Londres pendant des décennies, se retrouvent au cœur d’un scandale retentissant. Plusieurs anciennes employées accusent en effet Mohamed Al-Fayed et son frère Salah de viols répétés, perpétrés alors qu’ils étaient propriétaires de ce haut-lieu du shopping. Des témoignages glaçants, qui lèvent le voile sur un système d’exploitation sexuelle qui aurait perduré des années durant.
D’anciennes employées d’Harrods brisent le silence
C’est un entretien choc accordé à la BBC qui a fait éclater l’affaire au grand jour. Trois femmes, dont l’une, Helen, à visage découvert, racontent l’enfer qu’elles auraient vécu entre les murs d’Harrods. Engagées au sein du célèbre grand magasin dans les années 90, elles affirment avoir été violées à de multiples reprises par les frères Al-Fayed, à Londres mais aussi lors de déplacements dans le sud de la France et à Monaco.
Helen, un parcours brisé
Le récit d’Helen est particulièrement poignant. À 23 ans, après deux ans comme employée chez Harrods, la jeune femme affirme avoir été violée par Mohamed Al-Fayed dans une chambre d’hôtel à Dubaï. Mutée pour devenir l’assistante personnelle de son frère Salah, elle accuse ce dernier de l’avoir droguée avant de la violer à son tour. Traumatisée, Helen finira par démissionner. « Il m’a partagée avec son frère », lâche-t-elle, des sanglots dans la voix.
Il m’a partagée avec son frère.
Helen, ancienne employée d’Harrods
Monaco, Londres : un système bien rodé
Les deux autres témoins, qui ont souhaité garder l’anonymat, dressent un tableau tout aussi accablant. L’une dit avoir été violée par Salah Al-Fayed lors d’un déplacement professionnel à Monaco. La seconde, à peine âgée de 19 ans lorsqu’elle travaillait chez Harrods, l’accuse de viol à Londres en 1997, puis à Monaco. Un schéma qui semble se répéter, laissant entrevoir un système d’exploitation sexuelle bien rodé, avec la complicité passive ou active de l’entourage.
Un frère au courant, selon le New York Times
Et les révélations ne s’arrêtent pas là. Mardi, le New York Times a publié le témoignage d’une autre victime présumée qui affirme qu’Ali Al-Fayed, le troisième frère, aujourd’hui âgé de 80 ans, était au courant du « trafic » de femmes orchestré par son aîné Mohamed. Une accusation explosive, qui impliquerait une large partie du clan Al-Fayed dans ce qui s’apparente à un vaste système d’abus.
La police de Londres ouvre une enquête
Face à l’ampleur du scandale, qui ne cesse de prendre de l’ampleur depuis la diffusion d’un documentaire de la BBC en septembre dernier, la police de Londres a annoncé l’ouverture d’une enquête. « Nous restons engagés à explorer toutes les pistes d’enquête raisonnables, à examiner attentivement les nouvelles informations et à identifier toute allégation susceptible de conduire à des poursuites pénales », a déclaré le commandant Stephen Clayman dans un communiqué.
Nous restons engagés à explorer toutes les pistes d’enquête raisonnables, à examiner attentivement les nouvelles informations et à identifier toute allégation susceptible de conduire à des poursuites pénales.
Commandant Stephen Clayman, police de Londres
Mais l’enquête s’annonce complexe. Mohamed Al-Fayed est décédé en août 2023 à l’âge de 94 ans, et son frère Salah en 2010. Une prescription qui rend d’éventuelles poursuites impossibles, mais n’empêche pas la vérité d’éclater. La police a d’ailleurs assuré début novembre qu’elle examinait la manière dont 21 témoignages, déposés du vivant de Mohamed Al-Fayed, avaient été traités par le passé. Histoire de déterminer si des « mesures d’enquête supplémentaires » auraient pu être prises.
Harrods se désolidarise et propose un dédommagement aux victimes
Du côté d’Harrods, qui n’est plus la propriété de la famille Al-Fayed depuis 2010, on tente de prendre les devants. L’actuelle direction s’est fendue d’un communiqué dans lequel elle affirme « soutenir le courage de ces femmes » et les encourage à se rapprocher d’elle pour « demander un dédommagement » et obtenir du soutien. Une main tendue, assortie d’une mise en garde : « Nous espérons également qu’elles examineront toutes les voies appropriées dans leur quête de justice, qu’il s’agisse d’Harrods, de la police ou de la famille Al-Fayed. »
Nous soutenons le courage de ces femmes et les encourageons à se rapprocher de nous pour demander un dédommagement et obtenir du soutien.
Direction d’Harrods
Un collectif de soutien débordé par les témoignages
Depuis la diffusion du documentaire de la BBC, un collectif baptisé « Justice for Harrods Survivors » a vu le jour. Et il croule sous les témoignages. À ce jour, plus de 420 personnes – victimes, mais aussi témoins – l’auraient contacté. Des accusations qui débordent largement le cadre d’Harrods, et visent aussi le club de football de Fulham, le Ritz à Paris et d’autres propriétés de la galaxie Al-Fayed. Comme si la parole, enfin libérée, révélait l’ampleur d’un système qui aurait prospéré pendant des décennies dans le silence et l’indifférence.
Les secrets de famille des Al-Fayed éclatent au grand jour
Pour la puissante famille Al-Fayed, c’est un véritable séisme. Le clan, qui a bâti sa fortune dans le commerce et l’immobilier, n’en est pourtant pas à son premier scandale. Mais cette fois, l’affaire prend une tout autre ampleur. Ce sont les secrets les plus sombres de la famille qui éclatent au grand jour, jetant une lumière crue sur les dérives d’un système où l’argent et le pouvoir semblaient tout permettre. Un profond travail de vérité et de justice reste à mener. Pour les victimes, mais aussi pour une société qui, trop longtemps, a fermé les yeux sur l’inacceptable.
