Les relations entre le Mexique et les États-Unis traversent une nouvelle zone de turbulences. Jeudi, le gouvernement mexicain a vertement recadré l’ambassadeur américain Ken Salazar, nommé par le président Joe Biden, suite à ses déclarations controversées sur la politique sécuritaire du Mexique face à la violence des cartels de la drogue.
Lors d’une conférence de presse mercredi, l’ex-sénateur démocrate du Colorado, en poste depuis septembre 2021, s’en est pris à la figure de proue de la gauche mexicaine au pouvoir, l’ancien président Andres Manuel Lopez Obrador. Il a notamment critiqué sa stratégie axée sur la prévention plus que la répression face aux bandes criminelles, résumée par le slogan “des accolades, pas des fusillades”.
“L’ancien président n’a pas voulu du soutien des États-Unis”, a affirmé l’ambassadeur Salazar. “La stratégie des +accolades, pas des fusillades+ n’a pas fonctionné”.
Mexico réaffirme sa souveraineté face aux États-Unis
Ces propos n’ont pas tardé à faire réagir les autorités mexicaines. Dès mercredi, le ministère des Affaires étrangères a exprimé “sa surprise face aux messages émis par l’actuel ambassadeur des États-Unis” dans une note diplomatique.
Jeudi, la nouvelle présidente mexicaine Claudia Sheinbaum, issue du même parti que son prédécesseur Lopez Obrador, a tenu à rappeler fermement les principes régissant les relations entre les deux pays lors de sa conférence de presse quotidienne :
“Le Mexique est un pays libre, indépendant, souverain. Nous nous coordonnons, nous travaillons ensemble, mais il n’y a pas de subordination”.
Une relation complexe et des sujets sensibles
Ce n’est pas la première fois que l’ambassadeur Salazar provoque des remous dans les relations américano-mexicaines. En août dernier, il avait estimé que la réforme judiciaire voulue par l’exécutif mexicain, prévoyant l’élection de tous les juges à partir de 2025, représentait “un risque pour la démocratie mexicaine” et “une menace” pour les relations commerciales bilatérales. Lopez Obrador avait réagi en décrétant “une pause” dans les relations avec l’ambassade américaine.
Les deux pays voisins, qui partagent plus de 3000 km de frontière, sont liés par de multiples enjeux stratégiques comme le commerce, les migrations, le trafic de drogue et d’armes. Des sujets souvent source de frictions, malgré l’interdépendance économique et sécuritaire.
Selon des sources proches du dossier, le départ de l’ambassadeur Salazar pourrait intervenir dans les prochaines semaines, avec le retour annoncé des républicains à la Maison Blanche. Ses récentes déclarations auront en tout cas jeté un froid sur la fin de son mandat et la coopération sécuritaire entre les deux pays.
Un dossier sensible pour la nouvelle administration américaine
La question de la violence liée au narcotrafic au Mexique et de la coopération sécuritaire avec les États-Unis s’annonce comme un dossier prioritaire et délicat pour la future administration Biden. Malgré les milliards de dollars investis et les opérations conjointes menées depuis des années, les cartels continuent de prospérer en profitant notamment de la demande américaine de drogues.
Le bilan sécuritaire de la présidence Lopez Obrador, qui a misé sur une approche plus sociale que militaire, est mitigé. Si les homicides ont légèrement reculé, d’autres crimes comme les enlèvements ont augmenté. Et la corruption et l’impunité restent endémiques dans le pays.
Des défis de taille attendent donc le prochain ambassadeur américain au Mexique, qui devra renouer le dialogue et la confiance avec les autorités mexicaines, tout en défendant les intérêts et la sécurité des États-Unis. Un équilibre diplomatique délicat, comme viennent de le rappeler les récentes tensions.