Dans un monde où l’intelligence artificielle (IA) fait une percée spectaculaire dans de nombreux domaines, la musique n’est pas en reste. Loin des réticences exprimées par certains de ses pairs, la chanteuse britannique Imogen Heap a décidé d’embrasser pleinement le potentiel de l’IA générative pour repousser les limites de la création musicale. Son approche visionnaire et audacieuse ouvre de nouvelles perspectives fascinantes, tout en soulevant des questions cruciales sur l’avenir de la musique à l’ère de l’intelligence artificielle.
Mogen, le modèle vocal personnalisé d’Imogen Heap
Au cœur de la démarche d’Imogen Heap se trouve Mogen, son propre modèle d’IA générative qu’elle a développé. Initialement conçu pour interagir avec ses fans, Mogen est alimenté par une vaste base de connaissances issue des interactions de l’artiste avec les journalistes et son public. Comme l’explique la chanteuse, il s’agit de permettre à ce “robot conversationnel” de répondre en son nom, lui permettant ainsi de “continuer à mener sa vie d’humaine”.
Mais Mogen ne se limite pas à un simple rôle d’interface avec les fans. Ce modèle vocal intervient aussi directement dans le processus créatif d’Imogen Heap. Dans son dernier morceau, dont un extrait a été dévoilé début novembre, la voix générée par l’IA occupe une place de choix. Fait remarquable souligné par l’artiste elle-même, cette partie “sonne moins humain” que la section enregistrée de façon traditionnelle en studio.
Vers une collaboration homme-machine en temps réel
L’ambition d’Imogen Heap ne s’arrête pas là. Son objectif ultime est de créer de la musique en direct lors de concerts ou en studio, avec Mogen comme assistant de production et de composition. L’IA aurait alors accès à un vaste réservoir de fichiers audio et de paroles archivées, permettant à l’artiste de puiser dans ses idées antérieures pour nourrir sa créativité en temps réel.
Il s’agirait d’un océan de fichiers audio et paroles archivés pour qu’à l’avenir je puisse déambuler dans mon salon ou ma grange et créer de la musique en temps réel à partir des idées que j’ai eues précédemment et qui auront alimenté le système.
Imogen Heap
Auracles, une plateforme pour une IA musicale éthique
Parallèlement à Mogen, Imogen Heap a dévoilé Auracles, une plateforme de collaboration musicale où les titres sont accompagnés de leurs données certifiées, notamment les autorisations et conditions d’utilisation définies par les artistes. Pour pouvoir remixer et sampler les morceaux à l’aide de l’IA, les utilisateurs doivent s’acquitter d’une contribution dont un tiers est reversé à une association de défense du climat.
Cette démarche s’inscrit en réponse aux critiques de nombreux créateurs dénonçant l’utilisation non autorisée de leurs œuvres pour entraîner les algorithmes d’IA générative. Imogen Heap prend ainsi le contre-pied du “pillage” pratiqué par certaines plateformes en bâtissant une infrastructure éthique et respectueuse des droits des artistes.
Valoriser le travail humain à l’ère de l’IA
Pour Imogen Heap, il est crucial que les créateurs soient crédités et rémunérés pour leur travail, même lorsque celui-ci est utilisé pour nourrir des IA. Elle fustige le fonctionnement de certains services comme ChatGPT, basés sur le labeur humain “sans aucun crédit”. Selon elle, si les artistes ne sont pas associés à la valeur qu’ils créent, l’IA pourrait se retourner contre eux.
Nous devons injecter ce en quoi nous croyons dans le système, nous avons de la valeur, nous avons des idées, et c’est ce que nous essayons de faire avec Auracles.
Imogen Heap
Au final, la vision portée par Imogen Heap est celle d’une alliance vertueuse entre l’intelligence artificielle et la créativité humaine. Loin d’une opposition stérile, elle dessine les contours d’un futur où l’IA se met au service des artistes pour repousser les limites de l’inspiration et de l’expression musicale. Une perspective enthousiasmante qui soulève aussi son lot de défis, notamment en termes d’éthique et de respect de la propriété intellectuelle. Mais une chose est sûre : avec des pionnières comme Imogen Heap, la musique n’a pas fini de nous étonner et de nous faire rêver à l’ère de l’intelligence artificielle.