Dans les rues d’Amsterdam, l’inquiétude monte au sein de la communauté musulmane. Après les violentes attaques perpétrées la semaine dernière contre des supporters israéliens en marge d’un match de football, nombreux sont ceux qui craignent une recrudescence des discriminations à leur égard. Sur un marché du quartier de Nieuw West où réside une importante population musulmane, les commerçants font part de leur appréhension.
Mohamed Errakil, vendeur de fruits et légumes d’origine marocaine installé depuis 30 ans, confie se sentir néerlandais mais redouter que les propos du gouvernement n’encouragent les amalgames. Le Premier ministre a en effet attribué ces violences à un “problème d’intégration” et à la “jeunesse issue de l’immigration”, tandis que le député d’extrême droite Geert Wilders a affirmé que les auteurs étaient “tous des musulmans” et “pour une grande partie marocains”, appelant à les expulser du pays.
Chaque musulman ici est considéré comme un étranger, comme un terroriste, mais ce n’est pas le cas.
– Mohamed Errakil, commerçant
Colère face au soutien des Pays-Bas à Israël
Si les commerçants du marché estiment que les auteurs des violences doivent être sévèrement punis, ils déplorent que toutes les circonstances ne soient pas prises en compte. Abdeslam, vendeur de vêtements, exprime sa colère face aux actions militaires d’Israël à Gaza et en Cisjordanie, soutenues selon lui par les Pays-Bas.
Avant toute chose : il n’y a absolument aucune haine envers les juifs. Le problème ne se pose qu’à l’égard du sionisme.
– Abdeslam, vendeur de vêtements
Cet homme de 42 ans, qui préfère taire son nom de peur de représailles, s’inquiète également de la montée de l’extrême droite dans le pays. Il juge regrettable que l’on parle encore d’intégration aujourd’hui concernant une jeunesse de 3e, 4e voire 5e génération.
Tensions et restrictions des libertés
Depuis les attaques, Amsterdam vit sous tension avec un renforcement des mesures de sécurité. Mercredi, la police a procédé à 281 arrestations lors d’une manifestation propalestinienne interdite. Des allégations de violences policières font l’objet d’une enquête.
Rita Silva, une étudiante en art de 24 ans qui participe régulièrement à ces rassemblements, confie craindre de plus en plus pour sa sécurité. Au-delà des violences physiques, c’est surtout l’absence de liberté d’expression qui l’inquiète dans ce contexte de polarisation croissante en Europe, marqué par une multiplication des actes antisémites, anti-israéliens et islamophobes.
Il ne s’agit plus seulement d’être battu à coups de bâton, il s’agit de ne pas avoir de liberté d’expression.
– Rita Silva, étudiante
Face à ces tensions, le gouvernement néerlandais doit présenter ce vendredi des mesures concrètes pour lutter contre l’antisémitisme. Mais la communauté musulmane craint que cela ne se fasse au détriment de la lutte contre l’islamophobie et les discriminations dont elle s’estime victime. Dans les rues commerçantes de Nieuw West, l’appréhension est palpable. Chacun espère un apaisement rapide, mais redoute que les fractures ne se creusent davantage dans une société de plus en plus polarisée.