Polymarket, la célèbre plateforme décentralisée de paris prédictifs, se retrouve sous le feu des projecteurs alors qu’une enquête du Département de la Justice américain se profile. Au cœur des débats : la difficulté de bloquer efficacement l’accès des utilisateurs américains qui contournent les restrictions géographiques grâce aux réseaux privés virtuels (VPN). Un casse-tête technique et réglementaire qui soulève des questions cruciales pour tout l’écosystème des cryptomonnaies.
Polymarket dans la tourmente malgré son succès fulgurant
Lancée en 2020, Polymarket a connu une ascension fulgurante, totalisant des milliards de dollars de volume et des centaines de millions en paris ouverts. Les utilisateurs peuvent y parier sur une multitude d’événements, du prochain interprète de James Bond au vainqueur de combats de boxe. Mais ce sont surtout les élections présidentielles américaines qui ont propulsé la plateforme sous les feux de la rampe.
Problème : un accord passé avec le régulateur américain, la CFTC, en 2022 interdit formellement à Polymarket de servir des clients basés aux États-Unis. Malgré un blocage des adresses IP américaines, de nombreux utilisateurs parviennent à contourner cette restriction en utilisant des VPN. Une situation qui n’a pas échappé aux autorités, le Département de la Justice diligentant une enquête pénale suite à une perquisition au domicile new-yorkais du fondateur de Polymarket, Shayne Coplan.
Les défis techniques du blocage géographique
Au-delà du cas Polymarket, c’est toute l’industrie des cryptomonnaies qui se retrouve confrontée à l’épineux problème du géo-blocage. Car empêcher totalement l’accès à un site ou un protocole décentralisé relève de la gageure face aux VPN. Selon des experts en cybersécurité, l’unique moyen réellement efficace serait d’imposer une procédure de vérification d’identité (KYC) à tous les utilisateurs. Mais outre la lourdeur du dispositif, cela forcerait les internautes à confier des données personnelles sensibles à des plateformes auxquelles ils ne font pas forcément confiance.
Certaines mesures peuvent toutefois réduire les risques, comme le fait de ne pas faire de publicité sur le marché américain ou d’indiquer clairement l’exclusion des résidents US. Un monitoring des changements suspects d’adresses IP caractéristiques de l’usage d’un VPN est également envisageable. Mais là encore, rien d’infaillible pour les entreprises crypto souhaitant évoluer en dehors du cadre réglementaire américain.
Un cadre juridique encore flou pour les protocoles décentralisés
Se pose aussi la question des obligations légales réelles des projets blockchain à l’égard des utilisateurs américains. Si un précédent accord avec le régulateur semble durcir les attentes envers Polymarket, le statut exact des protocoles décentralisés reste sujet à interprétation. Un ex-commissaire de la CFTC avait ainsi défendu en 2018 que les développeurs ne devraient être tenus responsables que s’ils pouvaient “raisonnablement prévoir” un usage contraire à la réglementation lors de la création du code.
Alors que les paris sur les élections de 2024 battent déjà leur plein sur la plateforme, l’issue de l’enquête en cours pourrait faire jurisprudence et influencer durablement la manière dont l’écosystème crypto devra s’adapter au marché américain.
– D’après une source proche du dossier
Une chose est sûre : l’affaire Polymarket illustre une fois de plus les défis réglementaires colossaux que doivent relever les acteurs des cryptomonnaies pour conquérir le marché américain. Entre impératifs de conformité et volonté de préserver l’esprit originel de la blockchain, l’équation est loin d’être simple à résoudre. Et ce, d’autant plus que le cadre juridique peine encore à s’adapter aux réalités d’un secteur en perpétuelle ébullition. Les prochains mois s’annoncent déterminants pour l’avenir de Polymarket, mais aussi riches en enseignements pour l’ensemble de l’industrie crypto.