Pour la première fois de sa vie, On Ji-goo, une écrivaine en devenir, a réalisé qu’elle était féministe. Cette révélation soudaine n’est pas le fruit d’une profonde introspection, mais plutôt la conséquence directe d’une agression violente qu’elle a subie alors qu’elle travaillait dans une supérette. Son crime ? Avoir les cheveux courts, un signe distinctif des féministes en Corée du Sud.
Malgré une perte d’audition et un traumatisme important, On Ji-goo a décidé de ne pas se laisser abattre et de poursuivre son agresseur en justice. Sa détermination a porté ses fruits : en octobre dernier, un tribunal de Changwon a reconnu la misogynie comme motif de crime haineux, une première dans le pays.
Un symbole malgré elle
Cette décision historique revêt une signification toute particulière pour On Ji-goo, qui confie dans un entretien exclusif avec l’AFP : « Je pense désormais que je suis féministe ». Son agression et son combat judiciaire ont fait d’elle une figure emblématique du mouvement féministe sud-coréen, un rôle qu’elle n’avait pas anticipé mais qu’elle assume désormais pleinement.
Son histoire a suscité l’indignation dans tout le pays et mis en lumière les tensions qui traversent la société sud-coréenne. Malgré une économie florissante et le succès mondial de sa culture populaire, la Corée du Sud reste profondément ancrée dans des valeurs traditionnelles. Le mariage homosexuel n’y est pas reconnu et les femmes sont confrontées à d’importantes inégalités, tant en termes d’emploi que de salaires.
Le réveil féministe
Le combat d’On Ji-goo s’inscrit dans un contexte de montée en puissance du féminisme en Corée du Sud, porté par le mouvement #MeToo. Ces dernières années, les Sud-Coréennes ont organisé d’importantes manifestations et obtenu plusieurs victoires, comme l’accès à l’avortement ou la lutte contre le voyeurisme.
Sur les réseaux sociaux, des militantes ont détruit des produits de maquillage et coupé leurs cheveux pour s’opposer aux diktats de la beauté. Le mouvement 4B, qui rejette les relations amoureuses, le sexe, le mariage et la maternité avec des hommes, connaît également un succès grandissant.
La contre-attaque antiféministe
Face à cette vague féministe, les antiféministes ont contre-attaqué. Lors des JO de Tokyo en 2021, la triple championne olympique de tir à l’arc An San a été victime de harcèlement en ligne en raison de sa coupe de cheveux courte. Pourtant, comme le souligne On Ji-goo, il est absurde d’associer une coiffure à un engagement politique.
An San n’a jamais commenté les attaques en ligne à son encontre. Sa fierté et sa confiance en elle, en plus de sa capacité à tout simplement ignorer la négativité, sont vraiment impressionnantes.
– On Ji-goo
Le président conservateur Yoon Suk Yeol a lui aussi cherché à séduire l’électorat masculin en niant l’existence de discriminations envers les femmes et en promettant d’abolir le ministère de l’Égalité des genres, jugé « désuet » par ses détracteurs.
Pornographie et intelligence artificielle
Plus récemment, la diffusion de contenus pornographiques générés par intelligence artificielle a choqué l’opinion publique. Ces « deep fakes » ciblaient des étudiantes et des salariées d’écoles et d’universités, dans le but de les humilier et de les rabaisser.
Selon une des victimes, l’objectif des agresseurs était de montrer que « quelle que soit la réussite d’une femme, elle peut être piétinée par les hommes ». Une analyse partagée par la militante Jung Yun-jung, qui craint une aggravation de la situation à mesure que s’accroissent les inégalités et la compétition sur le marché de l’emploi.
La longue marche vers l’égalité
Pour On Ji-goo, le féminisme se résume à une idée simple : considérer que les droits des femmes sont aussi importants que ceux des hommes. Malgré ses blessures physiques et psychologiques, elle continue de se battre et d’aider d’autres victimes de misogynie.
Son parcours incarne les défis auxquels sont confrontées les féministes sud-coréennes, mais aussi leur détermination à faire évoluer les mentalités. À travers son combat, c’est toute une société qui est appelée à se remettre en question et à construire un avenir plus égalitaire.