À Bordeaux, c’est un véritable changement de cap pour le maire Europe Écologie Les Verts Pierre Hurmic. Après s’être longtemps opposé à l’armement de la police municipale, l’édile a annoncé la création d’une nouvelle brigade d’une cinquantaine d’agents armés qui devrait être opérationnelle mi-2025. Une volte-face assumée face à un contexte sécuritaire qu’il juge « aggravé ».
Une décision « qui ne serait pas forcément celle que j’aurais prise en début de mandat »
Pierre Hurmic reconnaît lui-même que cette décision contraste avec les positions qu’il défendait jusqu’à présent. Mais selon lui, la donne a changé. Le maire pointe notamment du doigt une forte augmentation des crimes et délits dans la métropole bordelaise ces dernières années.
J’ai l’impression que le monde s’est aggravé, qu’il y a plus d’armes qui circulent. Je trouve normal que du côté des forces de police municipale il y ait aussi une façon de répondre à cette augmentation des armes.
Pierre Hurmic, maire EELV de Bordeaux
Cette nouvelle brigade armée, qui représentera environ un quart des effectifs de la police municipale bordelaise, aura notamment pour mission d’assurer des patrouilles de nuit. Jusqu’à présent, seule la police nationale était habilitée à porter une arme sur la voie publique à Bordeaux.
Un virage sécuritaire à deux ans des municipales
Si Pierre Hurmic assure que sa décision est guidée par des impératifs de sécurité, le calendrier interroge. Cette annonce intervient en effet à deux ans des prochaines élections municipales, alors que l’opposition de droite n’a cessé de critiquer la politique sécuritaire jugée trop laxiste de la majorité écologiste.
Les syndicats de policiers municipaux réclamaient eux aussi de longue date l’armement des agents, s’estimant en danger face à la multiplication des agressions. Une demande à laquelle le maire avait jusqu’ici toujours opposé une fin de non-recevoir, prônant des méthodes alternatives comme la médiation ou la prévention.
Un choix qui fait débat au sein de la majorité
Si Pierre Hurmic assume pleinement sa décision, celle-ci ne fait pas l’unanimité au sein de sa majorité. Certains élus écologistes craignent une « dérive sécuritaire » et une remise en cause des valeurs fondamentales portées par EELV. D’autres estiment au contraire que face à l’évolution de la délinquance, il est nécessaire de s’adapter et de donner plus de moyens à la police.
Le débat promet en tout cas d’être animé dans les prochains mois au conseil municipal. L’opposition, qui réclamait l’armement de la police, crie déjà victoire. Mais elle compte bien continuer à mettre la pression sur l’exécutif, jugeant les mesures annoncées encore insuffisantes pour endiguer l’insécurité.
Une tendance de fond dans les grandes villes
Avec cette décision, Bordeaux emboîte le pas à de nombreuses autres grandes villes françaises qui ont fait le choix ces dernières années d’armer leur police municipale. C’est notamment le cas à Lyon, Nice, Marseille ou encore Montpellier.
Un mouvement de fond lié à la volonté des maires de renforcer les pouvoirs de leurs polices face à une délinquance perçue comme de plus en plus violente et face aux limites de l’action de la police nationale, confrontée à un manque d’effectifs chronique.
Mais l’armement des polices municipales ne fait pas l’unanimité. Beaucoup pointent le risque d’une « course à l’échalote sécuritaire » entre les villes et d’une confusion des rôles avec la police nationale. D’autres soulignent le manque de formation des agents municipaux et les risques de bavures.
Un débat de société qui est loin d’être tranché
La décision de Pierre Hurmic à Bordeaux illustre en tout cas la difficulté pour les élus locaux, y compris écologistes, à concilier leurs convictions avec les attentes d’une partie de la population en matière de sécurité. Un dilemme qui traverse aujourd’hui toute la société française.
Faut-il voir dans l’armement des polices municipales un gage d’efficacité face à la délinquance ou au contraire la manifestation d’une fuite en avant sécuritaire dangereuse ? Le débat est ouvert. Mais une chose est sûre : il est loin d’être clos, à Bordeaux comme ailleurs.