L’Abkhazie, région séparatiste prorusse de Géorgie, est actuellement secouée par un mouvement de protestation. Des manifestants sont descendus dans les rues pour s’opposer à l’arrestation de plusieurs militants, détenus pour avoir publiquement contesté la ratification d’un accord économique controversé passé avec la Russie fin octobre.
Selon des sources proches du dossier, les opposants redoutent que cet accord n’ouvre la porte à l’acquisition massive de biens immobiliers par des citoyens russes en Abkhazie, en particulier dans les stations balnéaires prisées de la côte de la mer Noire. Depuis 1995, la vente de biens résidentiels à des étrangers y est pourtant interdite.
Blocage des axes routiers par les manifestants
Pour faire entendre leur mécontentement suite à l’interpellation de leurs camarades, les protestataires ont entrepris dans la nuit de lundi à mardi de bloquer les trois ponts permettant d’accéder à Soukhoumi, la capitale de ce territoire de quelque 65 000 habitants. Des barrages ont été érigés sur ces axes névralgiques, paralysant de fait la circulation.
Face à cette situation tendue, les autorités abkhazes se sont engagées dans un processus de négociation avec les manifestants. Le dirigeant de la république autoproclamée, Aslan Bjania, a appelé dans une allocution vidéo ses concitoyens à “garder leur sang-froid et à ne pas céder aux provocations”. Il assure que le dialogue se poursuit pour tenter de dénouer la crise.
Un territoire au cœur des tensions régionales
L’Abkhazie, ancienne république autonome de Géorgie, a déclaré unilatéralement son indépendance lors de l’effondrement de l’Union soviétique au début des années 1990. S’en est suivi un conflit armé sanglant avec les forces géorgiennes, lors duquel les séparatistes abkhazes ont bénéficié du soutien officieux de Moscou.
En 2008, à l’issue d’une guerre éclair contre la Géorgie, la Russie a officiellement reconnu l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, une autre région séparatiste. Depuis, l’armée russe maintient une présence permanente sur ces territoires, au grand dam de Tbilissi qui les considère comme partie intégrante de la Géorgie.
Un accord qui cristallise les inquiétudes
C’est dans ce contexte géopolitique complexe qu’intervient la signature fin octobre de l’accord économique entre l’Abkhazie et la Russie. Ratifié par le parlement local, il doit permettre à des entreprises russes de réaliser des projets d’investissement en Abkhazie.
Mais pour l’opposition, ce texte pourrait servir de cheval de Troie à une mainmise de la Russie sur le secteur immobilier et les joyaux touristiques de la côte abkhaze. Une perspective qui ravive les craintes d’une perte de souveraineté et d’identité, sur fond de dépendance croissante vis-à-vis de Moscou.
Les manifestations qui ont éclaté après l’arrestation des opposants à l’accord témoignent de la grande sensibilité de cette question en Abkhazie. Elles mettent aussi en lumière les équilibres précaires sur lesquels repose ce petit territoire du Caucase, pris en étau entre des intérêts régionaux divergents.