La liberté de la presse à Hong Kong vient de subir un nouveau coup dur. Selina Cheng, ancienne journaliste d’un grand quotidien américain basé dans la ville, a déposé plainte mardi pour “licenciement abusif”. Selon elle, son renvoi serait directement lié à son récent engagement syndical en faveur des droits des journalistes.
Mme Cheng couvrait le secteur des véhicules électriques chinois pour le compte du journal. Mais quelques semaines seulement après avoir été élue présidente de l’Association des journalistes de Hong Kong (HKJA), elle a été remerciée. Un timing plus que suspect à ses yeux. D’autant que sa responsable lui aurait déclaré à cette occasion que les employés du titre “ne devaient pas être considérés comme des défenseurs de la liberté de la presse dans un endroit comme Hong Kong”.
Je pense que le journal a causé des dommages irréparables à ma réputation et celle des journalistes
a déclaré Selina Cheng aux médias
Devant l’absence de réponse à sa plainte en interne et le refus de la réintégrer, la journaliste a décidé de saisir la justice. Pour elle, l’attitude de son ex-employeur démontre son “très peu de respect envers les droits des employés et les lois de Hong Kong”. Au-delà d’une action au civil, elle envisage aussi des poursuites pénales.
La liberté de la presse en recul à Hong Kong
Ce licenciement controversé intervient dans un contexte tendu pour les médias hongkongais. Depuis la rétrocession à la Chine en 1997, le territoire n’a cessé de dégringoler dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF. Une chute qui s’est accélérée après la répression des manifestations pro-démocratie de 2019.
Le syndicat HKJA, dont Mme Cheng a pris la tête, est particulièrement dans le collimateur des autorités. Le ministre de la Sécurité l’a accusé d’avoir incité à la violence et à la haine du gouvernement pendant ces protestations. Des allégations que l’association de journalistes conteste fermement.
Un procès à risques pour le journal
Si les faits sont avérés, le quotidien encourt de lourdes sanctions. Un employeur reconnu coupable d’avoir congédié un salarié en raison de ses activités syndicales risque une amende pouvant atteindre 100.000 dollars hongkongais (12.100 euros).
Contacté, le groupe de presse propriétaire du journal n’a pas souhaité commenter l’affaire, se bornant à confirmer des changements dans ses effectifs. Mais il pourrait être contraint de s’expliquer devant les tribunaux. Au-delà de l’enjeu financier, c’est la réputation et la crédibilité du titre qui seront en jeu.
Mobilisation des défenseurs de la presse
De leur côté, les associations de défense de la liberté de la presse suivent l’affaire de près. Beaucoup y voient un test pour l’avenir du journalisme indépendant et critique à Hong Kong. Si Selina Cheng obtient gain de cause, cela pourrait encourager d’autres journalistes à faire valoir leurs droits. Dans le cas contraire, c’est un signal inquiétant qui serait envoyé à la profession.
Pour l’heure, difficile de prédire l’issue de ce bras de fer judiciaire. Mais une chose est sûre : dans le climat actuel, il faut une bonne dose de courage pour s’attaquer à son employeur quand on est journaliste à Hong Kong. Le combat de Selina Cheng sera scruté bien au-delà des frontières du territoire.