En ce mercredi 13 novembre, les électeurs du Somaliland, région sécessionniste de la Somalie autoproclamée indépendante depuis 1991 mais non reconnue par la communauté internationale, se rendent aux urnes pour élire leur président. Un scrutin crucial qui se déroule dans un contexte de vives tensions dans la Corne de l’Afrique, exacerbées par un accord controversé signé entre le gouvernement sortant et l’Éthiopie voisine.
Une quête existentielle de reconnaissance internationale
Depuis sa déclaration unilatérale d’indépendance il y a 33 ans, cette république de 175 000 km² à l’extrême nord-ouest de la Somalie n’a eu de cesse de chercher à obtenir une reconnaissance sur la scène internationale. Malgré des attributs étatiques comme sa propre monnaie, son armée et ses passeports, le Somaliland demeure un territoire fantôme aux yeux du monde, aucun pays ne l’ayant jamais reconnu.
Pourtant, la région a su tirer son épingle du jeu et maintenir une stabilité relative pendant que le reste de la Somalie sombrait dans des décennies de guerre civile et de menace djihadiste. Les trois candidats en lice, le président sortant Muse Bihi Abdi, le chef de l’opposition Abdirahman Irro et le leader du parti UCID Faysal Ali Warabe, ont tous placé cet enjeu existentiel au cœur de leur campagne, promettant de faire franchir au Somaliland un cap décisif vers la reconnaissance.
Un accord avec l’Éthiopie qui passe mal
Muse Bihi Abdi, 76 ans, mise beaucoup sur un protocole d’accord signé en catimini avec l’Éthiopie en janvier dernier. L’arrangement prévoit qu’en échange d’un accès vital à la mer Rouge via la location d’un port du Somaliland, Addis-Abeba deviendrait le premier pays à reconnaître l’indépendance de la région.
Sauf que cet accord aux contours flous a suscité l’ire de la Somalie et les réprobations de la communauté internationale, prompte à s’inquiéter de possibles déstabilisations dans une zone déjà sous haute tension. Depuis 10 mois, Mogadiscio et Addis-Abeba sont engagés dans un bras de fer verbal et militaire qui a mis le dossier en stand-by.
Muse Bihi face au défi de l’alternance
Ce revers ne semble pas entamer la confiance de Muse Bihi, qui promet que l’accord entrera en application dès sa réélection. L’enjeu de la reconnaissance est cependant loin d’être le seul déterminant du scrutin du 13 novembre, comme l’explique l’analyste politique Guleid Ahmed Jama : “Les questions économiques et sécuritaires pèseront plus lourd dans les urnes”.
Justement, c’est sur ce terrain qu’attaque le principal opposant “Irro”, 68 ans, ancien diplomate et président du parlement qui dénonce le bilan du président sortant après 16 ans de pouvoir continu de son parti. L’inflation, la hausse du coût de la vie et les troubles sécuritaires lui sont imputés.
Plutôt que sur des divergences idéologiques, c’est sur un duel de personnalités que se cristallise la présidentielle somalilandaise. Figure rassembleuse, Irro se pose en alternative à l’autoritarisme de l’ancien militaire Muse Bihi, qu’il accuse d’avoir attisé les divisions claniques et précipité le retrait des troupes de la région disputée de Sool.
Un report électoral qui passe mal
Initialement prévue en novembre 2022, l’élection avait été repoussée d’un an pour des “raisons techniques et financières”, suscitant la colère de l’opposition qui a dénoncé une prolongation illégitime du mandat présidentiel. Des manifestations avaient alors été sévèrement réprimées, faisant 5 morts.
Si les opérations de vote se déroulent sans heurts, les résultats sont attendus dans les jours suivants. Mais quel que soit le vainqueur, il lui faudra redoubler d’efforts diplomatiques pour arracher une reconnaissance internationale qui se fait toujours désirer, 33 ans après la scission avec la Somalie. Un chemin pavé d’embûches pour cette nation clandestine qui aspire à une existence légitime.