Les tensions commerciales entre la Chine et l’Union Européenne s’invitent dans nos verres. Selon une source proche du dossier, Pékin vient d’annoncer l’imposition de mesures antidumping temporaires sur les brandys importés de l’UE, dont le cognac représente 95%. Une décision qui fait l’effet d’une douche froide pour les producteurs français.
Concrètement, depuis le 11 octobre, les importateurs chinois de cognac doivent déposer une caution auprès des douanes dans le cadre d’une enquête antidumping. Une mesure perçue comme une riposte après le soutien de la France aux surtaxes douanières européennes sur les voitures électriques chinoises.
Le cognac, victime collatérale des tensions sino-européennes
Si les autorités chinoises évoquent officiellement une enquête sur un éventuel dumping des brandys européens, beaucoup y voient une mesure de rétorsion déguisée. En cause : l’adoption en octobre par la Commission Européenne de droits de douane supplémentaires sur les voitures électriques importées de Chine, accusées de concurrence déloyale.
Pour l’interprofession du cognac, c’est la douche froide. Certains estiment avoir été “sacrifiés” par le gouvernement français au profit de l’industrie automobile. Une source diplomatique dénonce fermement ces mesures chinoises dont “le caractère politique est évident”.
Des répercussions potentiellement dévastatrices
Si ces surtaxes douanières venaient à se concrétiser, elles pourraient s’avérer dévastatrices pour la filière du cognac en bloquant l’accès au marché chinois, un débouché crucial. Les acteurs du secteur se disent prêts à prendre “toutes les mesures techniques et juridiques possibles” pour se défendre.
De son côté, le ministère français du Commerce extérieur, tout en dénonçant fermement ces mesures, assure que les négociations avec Pékin “restent clairement ouvertes”. Mais au-delà du cognac, c’est toute une série de produits européens comme le porc ou les produits laitiers qui pourraient faire les frais de cette guerre commerciale.
Le cognac, un enjeu économique majeur
Rappelons que le cognac est un fleuron de l’industrie française des spiritueux. Avec plus de 200 millions de bouteilles expédiées chaque année, dont 98% à l’export, il représente un chiffre d’affaires de plus de 3 milliards d’euros.
La Chine est devenue en quelques années un marché clé, avec une croissance à deux chiffres des expéditions. Perdre ce débouché serait un coup très dur pour les maisons de cognac, des grands groupes international aux petits producteurs.
Une filière déjà fragilisée
Cette crise intervient alors que le secteur du cognac sort à peine d’une année 2020 difficile, marquée par la crise du Covid-19 qui a lourdement impacté les ventes, notamment dans le secteur clé du travel retail (ventes en duty-free).
Si la reprise était au rendez-vous en 2021, ces nouvelles tensions sino-européennes viennent assombrir les perspectives. Les producteurs craignent un effet domino si d’autres pays venaient à emboîter le pas à la Chine dans cette guerre commerciale.
Nous sommes des dommages collatéraux d’un conflit qui nous dépasse. C’est toute une filière d’excellence, de l’agriculteur au négociant, qui est menacée.
Un producteur de cognac
Vers une sortie de crise ?
Face à cette situation, les regards se tournent vers Bruxelles et Paris pour tenter de désamorcer le conflit. Mais dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes entre la Chine et l’Occident, la marge de manœuvre semble étroite.
Certains plaident pour un découplage des dossiers, en évitant que le cognac ne devienne un instrument de pression dans des contentieux plus larges. D’autres appellent à la fermeté face à ce qu’ils considèrent comme du chantage économique.
Une chose est sûre : l’industrie du cognac, fierté française et acteur économique majeur, est aujourd’hui en première ligne dans cette guerre commerciale à hauts risques. L’issue de ce bras de fer sino-européen aura des répercussions majeures pour tout un secteur suspendu aux décisions de Pékin et Bruxelles. Le cognac, produit emblématique du savoir-faire français, mérite-t-il d’être ainsi pris en otage ?