Dans la nuit du vendredi au samedi, la ville d’Amsterdam a été une nouvelle fois le théâtre d’incidents à caractère antisémite, et ce malgré l’absence des supporters israéliens initialement visés par les violences en début de semaine. Selon le chef de la police Olivier Dutilh, des personnes identifiées comme juives, ou prises pour telles, ont été victimes de contrôles au faciès dans la rue et d’expulsions de taxis sans raison apparente.
Ces événements interviennent alors qu’une ordonnance d’urgence, accompagnée d’une interdiction de manifester, a été prononcée par la maire Femke Halsema pour tenter de rétablir le calme après les graves débordements antisémites survenus à l’occasion d’un match de football entre l’Ajax Amsterdam et l’équipe israélienne du Maccabi Haïfa. Des supporters israéliens avaient été pourchassés et violemment agressés par des bandes scandant des slogans pro-palestiniens.
Une ville sous tension malgré les mesures d’urgence
Si les incidents de la nuit dernière n’ont pas atteint le degré de violence des jours précédents, ils témoignent néanmoins d’un climat de tension et de défiance persistant envers la communauté juive. Pour la police et la municipalité, ils justifient pleinement le maintien des restrictions exceptionnelles sur les libertés de circuler et de manifester, au moins pour la durée du week-end.
Mais cette lecture est contestée par certains militants pro-palestiniens, à l’image de Frank van der Linde qui a saisi la justice pour faire lever l’interdiction de manifester, estimant que ses droits fondamentaux étaient bafoués. Il souhaitait participer à un rassemblement de soutien à la Palestine prévu dans l’après-midi sur la place du Dam, en plein cœur de la capitale néerlandaise.
Un militant pro-palestinien interpellé lors d’une manifestation interdite
L’activiste a finalement été interpellé par la police alors qu’il tentait de braver l’interdiction de se rassembler. Une situation considérée comme « inacceptable » par ses soutiens, qui dénoncent une dérive sécuritaire et une restriction disproportionnée des libertés au nom de la lutte contre l’antisémitisme.
Au-delà de l’émotion suscitée par les images des agressions contre les supporters israéliens, ces événements mettent en lumière les vives tensions communautaires qui traversent la société néerlandaise et la difficulté des autorités à y répondre sans être accusées de parti-pris. Si personne ne conteste la nécessité de protéger la minorité juive face à la recrudescence des actes antisémites, les moyens employés font débat.
Les associations juives s’inquiètent d’une « normalisation de la haine »
Du côté des associations juives, on s’alarme d’un climat de plus en plus hostile et d’une « normalisation de la haine » envers leur communauté. Beaucoup ont encore en mémoire l’attentat commis en 2019 contre une famille juive à Amsterdam, un traumatisme ravivé par les violences de ces derniers jours.
Le fait que des gens soient contrôlés dans la rue sur la base de leur apparence, et empêchés de prendre un taxi uniquement parce qu’ils sont juifs, cela rappelle les heures les plus sombres de notre histoire. C’est terrifiant.
– Un responsable de la communauté juive d’Amsterdam
Selon des sources au sein de la communauté, de nombreuses familles juives envisageraient désormais de quitter le pays si la situation devait perdurer, ne se sentant plus en sécurité malgré les promesses de protection des autorités.
La difficile conciliation entre liberté d’expression et lutte contre l’antisémitisme
Face à ce constat alarmant, la mairie d’Amsterdam assure que « tout sera mis en œuvre pour garantir la sécurité et la dignité de tous les citoyens ». Mais dans le même temps, elle rappelle l’importance de préserver l’équilibre entre la défense des libertés fondamentales et la nécessaire répression des discours et actes antisémites.
Un équilibre précaire, sur le fil du rasoir, dans un contexte de montée des extrémismes et de radicalisation des opinions sur le conflit israélo-palestinien. Beaucoup craignent qu’en voulant éteindre l’incendie par des mesures trop drastiques, on ne finisse par jeter de l’huile sur le feu et exacerber encore davantage les antagonismes.
Une chose est sûre, les incidents des derniers jours ont créé un choc et un émoi considérables aux Pays-Bas, contraignant les responsables politiques à réagir fermement. Reste à savoir si les réponses apportées seront à la hauteur des enjeux et permettront d’apaiser durablement les tensions. L’avenir dira si Amsterdam parviendra à faire mentir sa triste réputation de capitale européenne de l’antisémitisme.