Amsterdam a vécu des heures sombres dans la nuit de jeudi à vendredi. Des supporters du club de football israélien Maccabi Tel-Aviv ont été la cible de violentes agressions de la part de groupes d’individus dans les rues de la capitale néerlandaise, a rapporté une source proche du dossier. Ces événements ont suscité une vive indignation dans le monde, le président américain Joe Biden lui-même ayant dénoncé des violences « antisémites » et « méprisables ».
Montée des tensions avant le match Ajax-Maccabi
Selon le récit du chef de la police d’Amsterdam Peter Holla, les tensions étaient déjà palpables avant même la rencontre de Ligue Europa entre l’Ajax et le Maccabi Tel-Aviv jeudi soir, qui s’est soldée par une large victoire des Amstellodamois (5-0). Dès mercredi, des heurts isolés ont éclaté entre des fans de l’Ajax, du Maccabi et du club turc de Fenerbahce, également présent aux Pays-Bas pour affronter l’AZ Alkmaar.
Les premiers dérapages sérieux ont eu lieu sur la célèbre place du Dam, au cœur d’Amsterdam, où des supporters du Maccabi ont brûlé un drapeau palestinien, a indiqué M. Holla. Un taxi a également été vandalisé. Plus tard dans la soirée, une altercation a éclaté entre des chauffeurs de taxi et environ 400 supporters israéliens regroupés devant le Holland Casino, nécessitant l’intervention de la police pour escorter ces derniers hors des lieux. Le calme est revenu vers 3h30 du matin, a précisé le chef de la police.
Chants injurieux et provocations le jour du match
Jeudi après-midi, de nouveaux rassemblements de fans du Maccabi sur la place du Dam ont donné lieu à quelques « incidents » et des tirs de feux d’artifice. Une vidéo relayée sur les réseaux sociaux, dont l’origine n’a pu être vérifiée, semble montrer des supporters israéliens entonnant en hébreu des chants injurieux à l’encontre des Arabes. La police a dû s’interposer pour tenir les groupes à distance, notamment à l’aide de la brigade anti-émeute et de cavaliers.
Aux abords du stade, certains fans israéliens ont par ailleurs refusé de respecter la minute de silence en hommage aux victimes des récentes inondations en Espagne, pays qui a récemment reconnu l’État de Palestine. Malgré tout, le match en lui-même s’est globalement déroulé dans le calme et l’évacuation du stade vers 23h s’est faite sans accroc majeur.
Traque violente des supporters israéliens après le match
C’est après la fin de la rencontre que la situation a brutalement dégénéré dans le centre-ville d’Amsterdam. Selon la maire Femke Halsema, des groupes d’individus, se déplaçant à scooter, ont « traqué » les supporters du Maccabi dans plusieurs quartiers, les rouant de coups avant de prendre la fuite. Entre 20 et 30 fans israéliens ont été blessés, dont 5 ont dû être brièvement hospitalisés.
« C’est une explosion d’antisémitisme que j’espère ne plus jamais revoir », a déclaré Mme Halsema lors d’une conférence de presse, se disant « profondément honteuse » de ces violences qui ont « meurtri » sa ville.
Des vidéos authentifiées par l’AFP ont montré des scènes de lynchage, où l’on voit des bandes s’en prendre à des supporters en infériorité numérique en leur lançant des projectiles et en les rouant de coups au sol. La police a ouvert une enquête et a appelé la population à lui transmettre toute image des violences. En tout, 62 personnes ont été arrêtées, dont 10 étaient toujours en détention vendredi.
Mesures d’urgence et rapatriement des supporters
À la suite de cette nuit d’émeutes, la mairie d’Amsterdam a décrété des mesures d’urgence dans la ville, renforçant la sécurité dans les lieux sensibles et interdisant temporairement toute manifestation. Le calme est revenu depuis vendredi soir, ont constaté des journalistes sur place.
Israël a de son côté affrété des avions afin de rapatrier ses supporters. Plusieurs vols étaient prévus samedi. Mais au-delà des dispositions pratiques, c’est surtout le choc et l’émotion qui dominent après ces violences d’une ampleur inédite.
Une indignation mondiale et des condamnations unanimes
De fait, ces déchaînements de violence ont provoqué une indignation mondiale et des condamnations unanimes. Le président israélien Isaac Herzog a comparé ces agressions au « pogrom antisémite », faisant référence à l’attaque du Hamas contre Israël du 7 octobre 2023. Une référence aux heures les plus sombres que la maire d’Amsterdam dit « comprendre ».
Aux États-Unis, le président Joe Biden a lui aussi fermement condamné cette « terrible attaque antisémite ». « Nous ne tolérerons pas cela. Nous poursuivrons les auteurs », a martelé de son côté le Premier ministre néerlandais Dick Schoof, se disant « profondément honteux » que de tels actes puissent se produire aux Pays-Bas en 2024.
M. Schoof a toutefois été critiqué pour ne pas avoir écourté sa participation à un sommet européen à Budapest afin de rentrer immédiatement au pays. Selon le quotidien conservateur De Telegraaf, le chef du gouvernement a « mis trop de temps à prendre conscience de la gravité » des événements. Des reproches auxquels M. Schoof devra répondre alors que le pays est confronté à une montée inquiétante des actes antisémites.
Car au-delà des circonstances spécifiques et du contexte footballistique, ces violences rappellent tristement que l’antisémitisme n’a pas disparu en Europe. Elles soulèvent également des questions sur les tensions communautaires aux Pays-Bas et la sécurité des supporters lors des rencontres sportives internationales. Des enjeux cruciaux auxquels les autorités néerlandaises vont devoir s’atteler, afin que plus jamais Amsterdam, et aucune autre ville, ne connaisse de telles heures noires.