Le secteur aurifère malien est à nouveau secoué. Vendredi dernier, trois hauts responsables étrangers de la compagnie minière australienne Resolute ont été interpellés dans un hôtel de la capitale Bamako. Ils ont été placés en garde à vue pour être interrogés par la police, a-t-on appris de sources proches du dossier. Une nouvelle affaire qui illustre la pression croissante exercée par les autorités maliennes sur les compagnies minières étrangères.
Soupçons de faux et d’atteinte aux biens publics
Les trois cadres de Resolute, qui détient 80% des parts de la mine d’or de Syama dans le sud-ouest du pays, sont interrogés dans le cadre d’une enquête pour faux présumés et atteinte aux biens publics. Des accusations fermement réfutées par un responsable de la société, s’exprimant sous couvert d’anonymat. Selon lui, les tentatives pour convaincre les enquêteurs de l’innocence des mis en cause ont pour l’heure échoué.
Il ne s’agit pas d’un cas isolé. Fin septembre, quatre employés de la compagnie canadienne Barrick Gold avaient déjà été détenus plusieurs jours avant d’être relâchés. Barrick Gold avait alors trouvé un accord avec l’État malien, versant en octobre 50 milliards de francs CFA (environ 80 millions d’euros). Mais les autorités ont affirmé quelques semaines plus tard que le géant aurifère n’avait pas tenu ses engagements, brandissant la menace de nouvelles actions à son encontre.
Un secteur stratégique dans le viseur de la junte
Depuis son arrivée au pouvoir par la force en 2020, la junte militaire qui dirige le Mali a fait de la lutte anti-corruption et de la restauration de la souveraineté sur les ressources naturelles ses chevaux de bataille. Dans ce pays parmi les plus pauvres au monde, l’or est une manne précieuse. Il contribue à hauteur d’un quart au budget national et représente les trois quarts des recettes d’exportation.
Les compagnies étrangères qui dominent le secteur minier malien font les frais de l’effort accru de contrôle déployé par les nouvelles autorités.
Cette reprise en main musclée du secteur aurifère coïncide avec le pivot stratégique opéré ces derniers mois par Bamako en direction de Moscou. Un rapprochement qui semble aller de pair avec une politique de plus en plus hostile aux intérêts économiques occidentaux dans le pays.
L’or, nerf de la guerre au Mali
Au-delà des enjeux financiers colossaux, le contrôle des mines d’or revêt aussi une importance stratégique dans un pays en proie depuis 2012 à une grave crise sécuritaire et politique. Les groupes armés, qu’ils soient jihadistes ou liés au crime organisé, lorgnent en effet avec intérêt sur ces sites qui peuvent leur fournir des revenus substantiels.
La junte, qui a rompu l’alliance militaire avec la France et s’est tournée vers la Russie, entend bien garder la mainmise sur ce secteur hautement stratégique. Quitte à braquer ses partenaires économiques traditionnels comme le montre cette nouvelle affaire impliquant la compagnie australienne Resolute.
Une chose est sûre : dans un pays qui demeure l’un des principaux producteurs d’or en Afrique, la bataille pour le contrôle de ce métal précieux est plus que jamais d’actualité. Et les compagnies minières étrangères risquent de faire les frais des ambitions hégémoniques et souverainistes des militaires au pouvoir à Bamako.