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Pologne : Un Pas Vers la Décriminalisation de l’Assistance à l’Avortement

Une proposition de loi visant à décriminaliser l'assistance à l'avortement ébranle la Pologne. Alors que le Parlement reconsidère le texte, le pays se divise sur la question des droits des femmes. Un débat qui soulève les passions et qui pourrait bien...

La question de l’avortement revient sur le devant de la scène en Pologne, alors que le Parlement a décidé ce vendredi de réexaminer une proposition de loi visant à décriminaliser l’assistance à l’interruption volontaire de grossesse. Un premier pas vers un assouplissement des restrictions dans un pays profondément divisé sur le sujet.

Un deuxième vote sur un texte controversé

Il ne s’agit pas d’un nouveau texte, mais bien d’un second vote sur une proposition de loi déjà rejetée en juillet dernier, suite à des divisions au sein même de la coalition pro-européenne au pouvoir. Cette fois-ci, le Parlement a choisi de renvoyer le projet en commission, par 232 voix contre 216.

Un premier petit pas a été fait.

Wanda Nowicka, députée de gauche

Une loi dissuasive pour les médecins

Actuellement, la loi polonaise prévoit jusqu’à trois ans de prison pour quiconque aide ou assiste une femme à avorter, en dehors des cas légaux très restreints. Selon les associations de défense des droits des femmes, cela a eu un effet dissuasif sur les médecins, qui craignent de pratiquer des IVG même quand la loi les y autorise.

Concrètement, l’avortement n’est permis en Pologne que dans trois situations :

  • Si la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste
  • Si elle menace directement la vie ou la santé de la mère
  • En cas de malformation grave du fœtus

Des condamnations symboliques

Si la loi ne pénalise pas directement les femmes qui avortent, celles qui aident ou fournissent les moyens de le faire s’exposent à des poursuites. C’est le cas de Justyna Wydrzynska, une activiste condamnée l’an dernier à des travaux d’intérêt général pour avoir fourni des pilules abortives à une femme enceinte. Plus récemment, une gynécologue a comparu pour des faits similaires.

En Pologne, des grossesses ont été, sont et seront interrompues.

Anna Maria Zukowska, députée de gauche

Pour la députée, l’enjeu est d’assurer des conditions sûres, aussi bien pour les femmes souhaitant avorter que pour leurs proches qui les assistent. Un objectif encore lointain dans un pays où l’attachement à la tradition catholique reste fort.

Le long chemin vers la libéralisation

Le texte renvoyé en commission ce vendredi n’est que l’un des quatre visant à libéraliser l’accès à l’avortement en Pologne. Mais les divisions sont profondes sur le sujet, et le président conservateur Andrzej Duda a d’ores et déjà annoncé son intention de s’y opposer.

Malgré la mobilisation des associations féministes et les condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme, le chemin vers un assouplissement de la loi s’annonce encore long et semé d’embûches. La Pologne reste l’un des pays les plus restrictifs d’Europe en matière d’avortement, avec Malte, Saint-Marin et le Vatican.

Un débat qui divise la société

Au-delà des clivages politiques, c’est toute la société polonaise qui se déchire sur la question. D’un côté, les mouvements pro-choix et les défenseurs des droits des femmes réclament un accès plus large à l’avortement, au nom de la santé publique et de l’égalité. De l’autre, les conservateurs et l’Église catholique y voient une atteinte à la vie et aux valeurs traditionnelles.

Un sondage récent montre que 70% des Polonais sont opposés à un durcissement de la loi, mais seule une minorité soutient une libéralisation totale. La plupart se prononcent pour un maintien du statu quo ou un élargissement limité des conditions légales d’accès à l’IVG.

Un enjeu européen

La situation polonaise s’inscrit dans un contexte européen contrasté. Si la plupart des pays de l’UE ont légalisé l’avortement, avec des conditions plus ou moins restrictives, certains comme la Hongrie ou la Slovaquie ont durci leur législation ces dernières années.

À l’inverse, l’Irlande a organisé un référendum historique en 2018 pour abroger l’interdiction constitutionnelle de l’avortement. Plus récemment, Saint-Marin a dépénalisé l’IVG suite à un référendum, tandis qu’Andorre s’apprête à assouplir sa loi.

Des évolutions qui témoignent de la complexité du débat et des profondes divergences qui persistent au sein de l’Europe sur cette question éthique et sociétale. En Pologne comme ailleurs, le chemin vers un consensus s’annonce encore long et périlleux.

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