Cinq mois se sont écoulés depuis les élections législatives en Belgique, mais le pays est toujours sans gouvernement. Les négociations pour former une coalition majoritaire piétinent, butant sur de profondes divergences concernant les réformes budgétaires à mener. L’attelage de cinq partis envisagé jusqu’à présent semble en sursis, plongeant le paysage politique belge dans l’incertitude.
Des désaccords publics qui fragilisent les discussions
Ces derniers jours, les désaccords entre les potentiels partenaires de coalition se sont étalés au grand jour, mettant en difficulté le chef des conservateurs flamands (N-VA) Bart De Wever, pressenti pour devenir Premier ministre et actuellement chargé de mener les discussions en tant que “formateur”. Le parti socialiste flamand Vooruit, seule formation de gauche dans une alliance ancrée au centre-droit, réclame un meilleur équilibre entre hausses d’impôts et mesures d’économies avant de poursuivre les négociations sur la note socio-économique, point clé des pourparlers.
Cette prise de position publique irrite les autres partis autour de la table. Jeudi, les centristes francophones des Engagés ont ainsi sommé Vooruit de “négocier plutôt que déserter”. Sans claquer la porte pour l’instant, le président du parti socialiste Conner Rousseau a toutefois confié se sentir “poussé hors de la formation du gouvernement”.
Un formateur sous pression
Face à cette situation, Bart De Wever est attendu mardi prochain au Palais pour un énième rapport d’étape au Roi Philippe, sans garantie de pouvoir faire état d’avancées significatives. Il y a une semaine, le souverain avait déjà dû constater le surplace des discussions, alors que la Belgique est censée présenter d’ici décembre à la Commission européenne un plan d’assainissement de ses finances publiques, avec un budget à l’horizon 2025. Le pays figure en effet parmi les États membres épinglés pour déficits excessifs.
Le Roi avait alors refusé la démission de son “formateur”, lui demandant de poursuivre les consultations une huitaine de jours supplémentaires avant de décider de la suite. Mais à l’approche de cette nouvelle échéance, Bart De Wever semble disposer de peu d’options pour sortir de l’impasse.
L’hypothèse d’une alliance alternative
Une piste alternative semble néanmoins se dessiner : les libéraux flamands de l’Open VLD, parti de l’actuel Premier ministre Alexander De Croo, se disent prêts à rejoindre la coalition pour lui permettre d’atteindre la majorité. Jeudi soir, la présidente du parti Eva De Bleeker a annoncé avoir accepté une rencontre avec Bart De Wever “à l’invitation du formateur”. Un changement de cap inattendu pour cette formation qui, au soir des élections dont elle était sortie affaiblie, avait affiché sa volonté de rejoindre les bancs de l’opposition.
Réputée ingouvernable, la Belgique avait vécu 541 jours sans gouvernement de plein exercice en 2010-2011, un record mondial. Près d’un quart de siècle plus tard, le spectre d’un tel blocage politique hante à nouveau le pays, sur fond de profondes divisions communautaires et idéologiques. Plus que jamais, l’art du compromis à la belge semble mis à l’épreuve pour donner un nouvel exécutif fédéral au royaume.
Un avenir politique incertain
A ce stade, plusieurs scénarios restent envisageables. La N-VA de Bart De Wever pourrait parvenir à constituer une coalition, soit avec les partenaires initialement prévus si un terrain d’entente est trouvé, soit en se tournant vers d’autres partis comme l’Open VLD. Mais un échec des négociations n’est pas non plus à exclure, ce qui prolongerait la situation actuelle d’affaires courantes et fragiliserait la position du royaume au sein de l’Union européenne.
Quoi qu’il en soit, cette crise politique qui s’éternise témoigne de la complexité du paysage politique belge, de la difficulté à concilier les intérêts et sensibilités des différentes communautés et familles politiques du pays. Plus de 5 mois après avoir été appelés aux urnes, les citoyens belges attendent toujours de savoir qui les gouvernera et sur quelle base programmatique. Une attente qui pèse sur la confiance dans le monde politique et sur la capacité de la Belgique à répondre aux défis économiques et sociaux auxquels elle fait face.
Dans ce contexte, l’issue des prochains jours sera scrutée avec attention, en Belgique comme dans les chancelleries européennes. Bart De Wever, acteur clé de ce feuilleton politique, joue son va-tout pour débloquer la situation et éviter un fiasco retentissant. Mais l’épilogue de ces laborieuses négociations reste à ce stade des plus incertains, prolongeant le suspense sur l’avenir politique immédiat du royaume.