Face au décrochage économique vis-à-vis des États-Unis et à la montée en puissance de la Chine, l’Union Européenne s’apprête à lancer un vaste chantier de réformes. Réunis en sommet à Budapest, les Vingt-Sept ont décidé d’engager un plan d’action au long cours inspiré par l’ancien Premier ministre italien Mario Draghi. L’objectif : sortir l’économie européenne de l’ornière en misant sur l’innovation numérique, la transition verte et les industries de défense. Mais entre intérêts divergents et désaccords idéologiques, la partie est loin d’être gagnée.
Un constat alarmant pour l’Europe
Dans un rapport de 400 pages présenté début septembre à Bruxelles, Mario Draghi dresse un bilan sans concession de la situation économique du Vieux Continent. Depuis 2000, le revenu par habitant a augmenté presque deux fois plus vite outre-Atlantique qu’en Europe. Pire, l’UE accroît dangereusement sa dépendance envers l’Empire du Milieu pour certaines matières premières et technologies clés.
Si elle n’engage pas des changements radicaux, l’UE vivra une lente agonie.
Mario Draghi, ancien président de la BCE
Un “Plan Marshall” pour l’Europe
Pour inverser la tendance, Mario Draghi préconise un effort d’investissement colossal compris entre 750 et 800 milliards d’euros par an. Une enveloppe supérieure au plan Marshall qui avait soutenu la reconstruction européenne après 1945. Parmi les priorités :
- L’innovation numérique
- La transition écologique
- Les industries de défense
Cet ambitieux programme pose néanmoins question au moment où les Vingt-Sept cherchent à réduire leurs déficits. Le financement devra associer fonds publics et investissements privés, en mobilisant notamment l’épargne des Européens et en faisant tomber les barrières nationales sur les marchés de capitaux.
Des défis de taille à surmonter
Si les dirigeants européens reconnaissent “l’urgence d’une action décisive”, les discussions sur les modalités de financement s’annoncent compliquées. L’Allemagne et d’autres pays “frugaux” excluent tout nouvel endettement commun, malgré le succès du plan de relance post-Covid de 2020. Des pistes alternatives sont à l’étude :
- Recours au budget de l’UE
- Mobilisation accrue de la Banque européenne d’investissement
- Achèvement de l’union des marchés de capitaux
Au-delà des questions financières, la création de véritables unions dans des secteurs clés comme les télécoms, l’énergie ou la défense reste bloquée depuis des années, faute de consensus entre États membres aux intérêts divergents.
Le risque est que les États produisent de belles déclarations mais qu’il n’y ait pas grand-chose derrière.
Sylvie Matelly, directrice de l’institut Jacques Delors
Pour sortir de l’ornière, l’Europe devra donc surmonter ses vieux démons et parler d’une seule voix. Les premières propositions concrètes de la Commission sont attendues dans les prochains mois. Un véritable test pour la présidente Ursula von der Leyen, reconduite cet été pour un second mandat, et pour la cohésion des Vingt-Sept face aux défis du XXIe siècle.