La réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis semble offrir une opportunité inespérée à Emmanuel Macron de retrouver un rôle majeur sur la scène internationale. Fragilisé politiquement dans l’Hexagone avec la perte de sa majorité absolue à l’Assemblée nationale, le chef de l’État français multiplie les initiatives diplomatiques pour tenter de rebondir et porter à nouveau sa vision d’une Europe puissante et souveraine.
Un appel au “sursaut” européen face au retour de Trump
Dès l’annonce des résultats de l’élection américaine, Emmanuel Macron a été parmi les premiers dirigeants à féliciter Donald Trump et à s’entretenir avec lui lors d’un échange téléphonique décrit comme chaleureux. Le président français entend bien capitaliser sur la relation qu’il avait su nouer avec le milliardaire républicain lors de son précédent mandat entre 2017 et 2021, même si celle-ci avait fini par se détériorer.
Lors du récent sommet de la Communauté politique européenne (CPE) qu’il a lui-même initiée à Budapest, Emmanuel Macron a exhorté les Européens à “écrire l’Histoire” plutôt que de la “laisser écrire par d’autres”. Dans un discours offensif, il a estimé que l’Europe devait s’affirmer face aux “carnivores” américains, chinois ou russes qui menacent de la “dévorer”.
Une relation personnelle à double tranchant avec Trump
L’Élysée insiste sur “l’antériorité” de la relation entre Emmanuel Macron et Donald Trump, qui permettra selon l’entourage présidentiel de “mettre un peu d’huile dans les rouages” malgré les inévitables divergences. Mais cette proximité avait aussi montré ses limites par le passé, le dirigeant français ne parvenant pas à infléchir les décisions unilatérales de son homologue américain.
En France, il est totalement paralysé, mais l’élection de Trump lui redonne un espace politique.
Philippe Moreau Chevrolet, spécialiste de communication politique
Défendre la “souveraineté européenne”, le credo constant de Macron
S’il entend profiter du retour de Trump pour retrouver un leadership sur la scène internationale, le chef de l’Etat français reste fidèle à sa ligne : la défense de l’autonomie stratégique européenne, qu’il appelle de ses vœux depuis son élection en 2017. Face à “l’America First” du président républicain, Emmanuel Macron veut pousser les Européens à s’unir pour défendre leurs propres intérêts en matière économique, industrielle et de défense.
Selon une chercheuse du German Marshall Fund of the United States, Gesine Weber, il s’agit du “bon moment” pour faire avancer cette idée de souveraineté européenne qui “s’impose davantage aujourd’hui” avec le come-back de Trump. Confronté à une Allemagne affaiblie politiquement et à des dirigeants européens qui peinent à faire entendre leur voix, “Macron est la seule option” pour incarner ce leadership, estime-t-elle.
Une position fragilisée par les difficultés intérieures
Mais la situation politique délicate d’Emmanuel Macron en France risque de peser sur sa capacité à entraîner les autres pays européens. Privé de majorité absolue à l’Assemblée, confronté à des mouvements sociaux et une impopularité record, le président français n’a plus le même élan qu’en 2017. Pour Philippe Moreau Chevrolet, sa “parole sur la scène internationale est très affaiblie”.
L’offensive diplomatique du chef de l’État comporte donc une part de risque. Ses appels vibrants à la souveraineté européenne pourraient se heurter aux réticences de partenaires qui doutent de sa légitimité et de la stabilité politique de la France. D’autant que les précédentes tentatives d’Emmanuel Macron pour faire bouger les lignes, comme ses propositions de réforme de l’UE ou de l’OTAN, n’ont pas toujours été couronnées de succès.
Une quête incertaine d’un nouveau souffle international
En se projetant sur la scène transatlantique après la victoire de Trump, Emmanuel Macron cherche une échappatoire à ses déboires hexagonaux, une manière de reprendre la main et de retrouver ce rôle de jeune leader dynamique et visionnaire qu’il endossait en 2017. Mais cette quête d’un nouveau souffle par la politique étrangère apparaît bien incertaine au regard de la sensible perte d’influence et de crédibilité du président français.
Si elle lui offre une opportunité de revendiquer un statut de leader européen et d’occuper le devant de la scène internationale, la réélection de Donald Trump confronte surtout Emmanuel Macron à un redoutable défi : celui de faire entendre une voix singulière face à une Amérique qui s’affirme d’abord, sans avoir les moyens politiques de ses ambitions.
