D’après des informations obtenues de sources proches du dossier, la Belgique fait face à une situation inédite concernant les demandeurs d’asile afghans en 2024. Sur les neuf premiers mois de l’année, pas moins de 2486 ressortissants d’Afghanistan ont sollicité une protection internationale sur le territoire belge. Un chiffre record qui soulève de nombreuses problématiques, notamment en termes de disparités de traitement entre les hommes et les femmes.
Une régularisation quasi automatique pour les femmes
Parmi ces 2486 demandes d’asile, seules 390 émanent de femmes et de filles, soit à peine 15% du total. Pourtant, le taux de reconnaissance du statut de réfugié pour cette catégorie atteint des sommets, avec 95,6% d’avis favorables délivrés par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA). Autrement dit, la quasi-totalité des demandeuses d’asile afghanes se voient accorder une protection en Belgique.
Des critères d’évaluation plus souples
Cette générosité des autorités belges envers les femmes afghanes s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, leur profil est jugé particulièrement vulnérable, au vu de la situation sécuritaire et des discriminations qu’elles subissent dans leur pays d’origine. D’autre part, les critères d’évaluation de leurs dossiers semblent plus souples que pour leurs homologues masculins, avec une présomption de crédibilité accordée à leurs récits.
Une tendance à la hausse
Si les femmes ne représentaient que 10% des demandeurs d’asile afghans en 2022, leur proportion ne cesse de croître, atteignant désormais 16%. Une tendance qui devrait se confirmer dans les prochains mois, au vu de la dégradation continue de la situation en Afghanistan depuis le retour au pouvoir des Talibans en août 2021.
Le casse-tête des hommes seuls
A contrario, le sort des hommes afghans isolés apparaît nettement moins enviable. Ils constituent la grande majorité des demandeurs d’asile, mais ne bénéficient d’un taux de reconnaissance que de 38%. En clair, plus de 6 hommes sur 10 se voient refuser le statut de réfugié en première instance par le CGRA.
Un examen plus strict des dossiers
Plusieurs raisons expliquent cette sévérité accrue envers les demandeurs masculins. Leurs récits sont souvent considérés comme moins crédibles, car plus stéréotypés et moins étayés que ceux des femmes. De plus, leurs profils sont jugés moins prioritaires, car ils sont perçus comme davantage capables de se défendre et de s’adapter à leur environnement.
Ce qu’ils nous racontent est souvent très similaire, sans élément probant permettant d’attester un risque individuel de persécution. Beaucoup semblent avant tout motivés par des raisons économiques, ce qui ne relève pas de l’asile.
Un agent du CGRA sous couvert d’anonymat
Un renvoi forcé quasi impossible
Pour autant, les hommes afghans déboutés du droit d’asile ne sont pas renvoyés dans leur pays pour autant. Selon la secrétaire d’État à l’asile et la migration, il s’avère “extrêmement compliqué, pour ne pas dire impossible”, d’organiser des retours forcés vers l’Afghanistan dans le contexte actuel. Les vols sont rares et les garanties de sécurité sur place insuffisantes pour que la Belgique prenne un tel risque politique et humanitaire.
Des situations inextricables
Coincés dans les limbes administratives, les hommes afghands refusés se retrouvent dans des situations humainement inextricables. Sans droit de séjour ni perspectives de régularisation, ils sont condamnés à l’errance et la précarité, souvent pendant plusieurs années.
C’est comme si on était enterrés vivants. On n’a plus d’existence légale, pas le droit de travailler, pas de logement… Mais on ne peut pas non plus être expulsé. C’est pire que la prison.
Ahmad, Afghan arrivé seul en Belgique en 2021
Un débat sociétal relancé
Dans ce contexte, des voix s’élèvent pour dénoncer un “deux poids, deux mesures” dans le traitement des demandes d’asile des Afghans par les autorités belges. Si l’extrême vulnérabilité des femmes est reconnue, la négation des risques encourus par les hommes passe plus difficilement.
Des associations mobilisées
Plusieurs associations de défense des droits des migrants réclament une révision des procédures du CGRA pour garantir un examen équitable et approfondi de chaque dossier, quel que soit le genre du demandeur. Elles pointent aussi les conséquences humanitaires désastreuses de ces situations de “ni-ni” dans lesquelles restent bloqués des milliers d’hommes afghans.
Un nécessaire débat démocratique
Au final, l’ampleur prise par la question des demandeurs d’asile afghans en Belgique en 2024 appelle un véritable débat sociétal et démocratique. Entre devoir de protection, maîtrise des flux migratoires et impératif d’intégration, les enjeux sont nombreux et délicats.
La lumière doit être faite sur les différences de traitement observées entre les hommes et les femmes dans la procédure d’asile. Surtout, des solutions concrètes doivent être apportées à ces milliers de personnes ballotées entre refus du statut de réfugié et impossibilité d’être expulsées, dont la dignité est chaque jour un peu plus bafouée. Un défi majeur pour le gouvernement belge dans les mois à venir.