C’est un moment de haute tension qui secoue actuellement le Mozambique. Depuis plusieurs jours, le pays d’Afrique australe est en proie à des manifestations massives suite aux élections générales du 9 octobre dernier. Des milliers de personnes ont envahi les rues de la capitale Maputo ce jeudi, à l’appel du principal opposant Venancio Mondlane, pour contester les résultats du scrutin.
D’après des sources proches de l’opposition, une véritable « atmosphère révolutionnaire » règne sur place. Les manifestants, drapeaux du Mozambique en main, se sont heurtés aux forces de l’ordre déployées en nombre. Des tirs de gaz lacrymogène ont été rapportés par des témoins, alors que la police tentait de repousser la foule avec l’appui de véhicules blindés.
L’opposition dénonce des fraudes et revendique la victoire
Au cœur du bras de fer post-électoral, Venancio Mondlane, figure montante de l’opposition mozambicaine, affirme que le scrutin a été entaché de multiples irrégularités. Crédité officiellement de seulement 20% des voix, il revendique en réalité la victoire et accuse le parti au pouvoir, le Frelimo, d’avoir fraudé pour se maintenir à la tête du pays qu’il dirige sans partage depuis près de 50 ans.
L’objectif n’est pas du tout de prendre le pouvoir par la force, ni de faire un quelconque coup d’État. Mais la lutte se poursuivra jusqu’à ce que la justice soit rétablie.
– Venancio Mondlane, chef de file de l’opposition
Malgré les menaces du gouvernement d’envoyer l’armée pour mettre fin aux manifestations, Mondlane assure que le mouvement est pacifique. Il dénonce cependant les violences qui ont déjà fait une vingtaine de morts depuis le scrutin, parlant de « meurtres » et accusant le Frelimo de « terrorisme d’État ».
Un scrutin entaché d’irrégularités selon les observateurs
Les soupçons de fraude électorale ne viennent pas uniquement de l’opposition. De nombreux observateurs internationaux ont en effet relevé des anomalies à toutes les étapes du processus électoral. La mission d’observation de l’Union européenne a notamment fait état d’« altérations injustifiées de résultats » ainsi que de problèmes de concordance des chiffres dans un tiers des dépouillements observés.
Une ONG anticorruption locale, le Public Integrity Center, considère même qu’il s’agit des élections «les plus frauduleuses depuis 1999» dans le pays. Un constat alarmant qui alimente la colère des manifestants, bien décidés à poursuivre leur mouvement tant que la vérité des urnes n’aura pas été rétablie.
Le pays au bord d’un tournant historique ?
Pour ses partisans, Venancio Mondlane représente l’espoir d’un changement démocratique après des décennies de domination du Frelimo. Mais le pouvoir en place semble déterminé à s’accrocher, quitte à faire usage de la force comme le laisse entendre les récentes déclarations martiales du ministre de la Défense.
Dans ce bras de fer qui s’enlise et face à un risque de dérapage violent, des voix s’élèvent pour appeler au dialogue et à la retenue. L’ordre des avocats du Mozambique met ainsi en garde contre un possible « bain de sang » et plaide pour que « l’annulation des élections soit mise sur la table » des discussions.
Après des décennies de guerre civile puis une paix fragile, le Mozambique se retrouve à nouveau à la croisée des chemins. L’issue de cette crise post-électorale dira si le pays est capable de faire un pas décisif vers une véritable démocratie, ou s’il est condamné à s’enliser dans un cycle de contestations et de répressions. Les prochains jours s’annoncent décisifs.