Derrière les louanges publiques, se cache la réalité des intérêts. L’élection de Donald Trump à la présidence américaine suggère des relations fluides avec son “ami” Narendra Modi, le Premier ministre indien, mais de nombreux sujets de friction demeurent.
Le temps des copains
À grands renforts d’accolades et de compliments, Narendra Modi et Donald Trump ont mis en scène leur complicité pendant le premier séjour du milliardaire à la Maison Blanche, de 2017 à 2021. Son nouveau mandat se présente sous les mêmes auspices.
Modi a été l’un des premiers à féliciter son “ami” Trump. Selon Harsh V. Pant, du King’s College de Londres, “Modi est certainement le genre de dirigeant fort que Trump apprécie”. Soutenir Modi est politiquement pratique pour Trump, et Modi a beaucoup à y gagner aussi s’il le souhaite.
La guerre commerciale, une épée de Damoclès
L’amitié des deux dirigeants pourrait toutefois être mise à rude épreuve par la guerre commerciale mondiale que laisse présager la rhétorique électorale trumpienne. Même si elle vise d’abord la Chine, une hausse généralisée des droits de douane pourrait sérieusement affecter l’Inde, qui affiche pour l’heure un excédent commercial de 30 milliards de dollars avec les États-Unis.
Cela n’épargnerait pas l’Inde et le “Make in India” prôné par Narendra Modi
Ashok Malik, Asia Group
Si la fabrication revient aux États-Unis, qu’est-ce que cela signifie pour les pays qui affichent un excédent commercial avec eux ? s’interroge Indrani Bagchi, PDG du Ananta Aspen Centre.
Les incertitudes stratégiques
Pour contrer l’influence chinoise, l’Inde est devenue un des quatre piliers du “Quad”, formé avec les États-Unis, l’Australie et le Japon. Mais la devise “l’Amérique d’abord” de Trump et son imprévisibilité pourraient fragiliser cette alliance, souligne Harsh V. Pant.
La relation de l’Inde avec la Russie, allié de longue date et principal fournisseur d’armement, s’annonce comme un autre défi. Pendant son premier mandat, Trump avait menacé New Delhi de sanctions pour avoir acheté des missiles russes.
L’épine de l’immigration
L’Inde nourrit aussi bien l’immigration légale que clandestine aux États-Unis, que Trump a maintes fois promis d’étouffer. En 2021, elle était le 3ème pays d’origine des clandestins entrés sur le sol américain.
La question de l’immigration clandestine pourrait constituer un problème dans la relation avec Trump
Indrani Bagchi
L’arrestation et l’expulsion de clandestins indiens pourrait s’avérer désastreuse en termes d’image, met-elle en garde. New Delhi “n’encourage ni ne souhaite l’immigration clandestine”, rappelle toutefois Ashok Malik.
Des intérêts communs malgré les défis
Malgré ces points de friction, l’Inde et les États-Unis ont de solides intérêts communs. Leur coopération est essentielle pour faire face à la montée en puissance de la Chine et maintenir la stabilité en Asie.
Le soutien des États-Unis est aussi crucial pour les ambitions de l’Inde de devenir un acteur majeur sur la scène internationale. Sous l’impulsion de Modi, le pays cherche à renforcer son influence diplomatique et son poids économique.
Enfin, les liens humains et culturels entre les deux plus grandes démocraties du monde ne sont pas à négliger. La diaspora indienne aux États-Unis, forte de plus de 4 millions de personnes, constitue un pont entre les deux nations.
Ainsi, malgré une amitié affichée qui cache des défis bien réels, la relation indo-américaine a de beaux jours devant elle. À condition que pragmatisme et dialogue l’emportent sur les désaccords et l’imprévisibilité.
Les clés d’une relation pérenne
- Trouver un équilibre entre coopération et défense des intérêts nationaux
- Privilégier le dialogue pour surmonter les différends commerciaux et migratoires
- Approfondir le partenariat stratégique pour faire face aux défis communs
- S’appuyer sur les liens humains et culturels pour renforcer la compréhension mutuelle