C’est un séisme qui a secoué la scène politique américaine : la cuisante défaite de Kamala Harris face à Donald Trump lors de l’élection présidentielle de 2024. Malgré tous les espoirs placés en elle, la candidate démocrate n’a pas réussi à s’imposer dans les urnes. Retour sur les facteurs déterminants qui expliquent ce revers historique.
Une économie plombée par l’inflation
C’est une vieille rengaine en politique : “The economy, stupid”. Cette citation restée célèbre d’un conseiller de Bill Clinton en 1992 s’est avérée cruellement d’actualité pour Harris. Malgré une conjoncture post-Covid difficile, marquée par une inflation galopante et des prix à la consommation en hausse, la candidate n’a pas su convaincre sur son bilan économique, lestée par les attaques incessantes de Trump sur le sujet. Un point que souligne Bernard Yaros, économiste chez Oxford Economics : “L’inflation a joué un rôle important parmi d’autres éléments, comme l’immigration”.
L’immigration, talon d’Achille démocrate
C’est le thème sur lequel Donald Trump a martelé son message tout au long de la campagne : l’immigration clandestine, les “millions de criminels” à expulser, le mur à la frontière mexicaine… Un discours qui a fait mouche dans son électorat, et même au-delà. Selon Carl Tobias, professeur de droit, “l’immigration a clairement été un facteur de la victoire de Trump, une question sur laquelle il insiste depuis 2016”. Harris, en charge de ce dossier en tant que vice-présidente, a été accusée de tous les maux par son rival, dénonçant pêle-mêle les “frontières ouvertes”, les “menaces sur l’emploi”…
Érosion du vote démocrate chez les minorités
C’est un autre enseignement majeur du scrutin : le soutien traditionnellement acquis aux démocrates chez les Afro-Américains et les Latinos s’est effrité. D’après les sondages de sortie des urnes, le vote noir pour Trump est passé de 8% à 13% entre 2020 et 2024, et de 32% à 45% chez les Hispaniques. Un mouvement de fond observé depuis plusieurs cycles chez les hommes latinos de la classe ouvrière, plus conservateurs sur les questions de société. Mais aussi, plus surprenant, chez les femmes et les jeunes, malgré la question de l’avortement. Un échec cinglant pour Harris qui comptait sur ces votes.
Une campagne trop courte et dans l’ombre de Biden
Quand Joe Biden a jeté l’éponge pour raisons de santé fin juillet 2024, à seulement trois mois du scrutin, Kamala Harris s’est retrouvée propulsée dans le grand bain dans la précipitation. Un timing bien trop tardif pour combler son déficit de notoriété et imposer son propre style. Pire, elle est restée prisonnière de l’impopularité record de Biden et de son bilan contesté, notamment sur l’économie et l’immigration, sans réussir à s’en démarquer comme l’a souligné un échange désastreux sur ABC. La candidate aurait-elle agi différemment que Biden ? “Rien de spécial ne me vient à l’esprit”, avait-elle lâché, une séquence en boucle chez Trump.
Au final, une campagne trop courte, une économie plombée, un échec sur l’immigration, une démographie électorale en pleine recomposition… Kamala Harris aura manqué de temps et d’espace pour s’imposer, prisonnière jusqu’au bout d’un bilan et d’une présidence qu’elle n’a su se réapproprier. Après les années chaotiques de l’ère Trump, les démocrates devront en tirer les leçons pour espérer reconquérir un jour la Maison Blanche.