La victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine n’a pas suscité de réaction enthousiaste de la part de Marine Le Pen, cheffe de file de l’extrême droite française. Celle qui avait ouvertement soutenu le candidat républicain en 2016 et 2020 s’est montrée étonnamment discrète cette fois-ci, se contentant d’adresser ses “vœux de succès” au nouveau président. Pourquoi une telle retenue ?
Une proximité idéologique devenue encombrante
D’après le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite, Marine Le Pen “n’a rien à gagner de la victoire de Donald Trump”. La candidate à la présidentielle française, engagée dans une stratégie de dédiabolisation de son parti, craindrait qu’une association trop visible avec le sulfureux milliardaire américain ne nuise à sa propre image. Trump, “encore plus radical et excentrique qu’en 2016 et 2020” selon Camus, incarnerait désormais un repoussoir pour une large partie de l’électorat français.
Un sujet secondaire pour les électeurs du RN
Si la défaite des “wokistes” et de la “candidate racisée” que représentait l’adversaire démocrate de Trump peut réjouir en privé Marine Le Pen et ses soutiens, l’afficher publiquement serait contre-productif. Pour la base électorale du Rassemblement national, le résultat de l’élection américaine reste un enjeu lointain, loin derrière les préoccupations quotidiennes que sont l’immigration, le pouvoir d’achat et la sécurité.
Le spectre d’un retour en arrière
En matière de politique étrangère, un alignement trop marqué de Marine Le Pen sur les positions de Donald Trump – marginalisation de l’Europe, résolution du conflit ukrainien dans le sens des intérêts russes, changement de cap au Moyen-Orient – risquerait de la ramener à sa “diabolisation initiale”, analyse Jean-Yves Camus. Perçue à nouveau comme “un pion” de forces hostiles aux intérêts occidentaux, elle perdrait le bénéfice de ses efforts pour se détacher de l’image de “pro-Poutine” et “pro-Trump”.
Marine Le Pen n’a pas fait sur les questions sociétales les mêmes choix que ceux qui soutiennent Trump, notamment sur l’avortement.
Jean-Yves Camus, politologue
Enfin, la cheffe du RN se démarque de l’aile la plus conservatrice du trumpisme sur les sujets de société, à commencer par le droit à l’avortement. La puissance du lobby “pro-vie”, déterminante dans le soutien à Trump, n’a pas d’équivalent dans le paysage politique français et au sein du Rassemblement national.
Malgré des convergences idéologiques certaines, Marine Le Pen semble donc déterminée à maintenir ses distances avec Donald Trump, pour ne pas compromettre sa lente mais réelle progression dans l’opinion. Une prudence qui en dit long sur la volonté de normalisation de celle qui rêve toujours d’accéder un jour à l’Élysée.