Alors que les Américains retenaient leur souffle dans l’attente des résultats de l’élection présidentielle, une autre bataille faisait rage en coulisses : celle de la désinformation. Dans les derniers jours de la campagne, les réseaux sociaux ont été envahis par une déferlante d’infox et d’accusations de fraude électorale, portées et amplifiées par le candidat républicain Donald Trump lui-même. Retour sur ce phénomène qui a marqué ce scrutin historique.
Des allégations de fraude sans fondement
Fidèle à sa réputation, Donald Trump n’a pas attendu les résultats officiels pour crier à la fraude. Alors même que le dépouillement était en cours, il a multiplié les messages sur Truth Social, son réseau de prédilection, affirmant que des « fraudes massives » étaient en cours en Pennsylvanie et que les « forces de l’ordre » allaient intervenir. Des accusations rapidement démenties par les autorités locales de cet État-clé, finalement remporté par le candidat républicain.
Mais le mal était fait. Les allégations de Trump, relayées massivement par ses partisans, ont contribué à semer le doute sur l’intégrité du processus électoral. Une stratégie éprouvée pour le milliardaire, qui n’a jamais reconnu sa défaite en 2020. Comme l’explique Julien Giry, docteur en sciences politiques, ce discours sur la fraude permet de « donner l’impression que vous aurez toujours raison » : soit on perd à cause de la fraude dénoncée, soit on gagne car on l’a dénoncée à l’avance.
Une vague d’infox difficile à endiguer
Au-delà des déclarations de Donald Trump, cette présidentielle a aussi été marquée par la propagation à grande échelle de rumeurs et de fausses informations sur les réseaux sociaux. Des contenus trompeurs de tous types ont circulé : vidéos d’urnes bourrées, images de bulletins déchirés, captures d’écran de résultats truqués… Les équipes d’investigation numérique de l’AFP en ont authentifié des dizaines pendant la campagne.
Malgré les efforts des autorités et des plateformes pour enrayer la désinformation, le flot de fausses nouvelles n’a cessé de s’intensifier à l’approche du scrutin. Sur Twitter, les mentions des mots-clés « fraude », « tricherie » ou « fraude électorale » se comptaient par centaines de milliers dans la nuit de mardi à mercredi. Avant de nettement diminuer au fur et à mesure que la victoire de Donald Trump se dessinait.
Des dysfonctionnements réels, mais sans incidence
Certaines rumeurs se sont aussi appuyées sur des dysfonctionnements avérés du système de vote, rapidement corrigés par les autorités mais abondamment commentés en ligne. En Pennsylvanie, des problèmes de numérisation des bulletins dans un comté ont ainsi été présentés à tort comme une tentative de sabotage des démocrates. En réalité, le souci technique a été résolu et le vote prolongé pour permettre à tous de s’exprimer.
D’autres infox ont profité d’images sorties de leur contexte pour instiller un climat de suspicion. C’est le cas d’une vidéo montrant un électeur ne parvenant pas à sélectionner Donald Trump sur un écran, massivement partagée comme preuve de machines truquées. Il s’agissait en fait d’un appareil destiné à remplir les bulletins et non à enregistrer les votes, comme l’ont démontré des experts.
L’impact réel de la désinformation en question
Si l’ampleur de la vague de désinformation qui a entouré cette élection est indéniable, son influence sur les résultats reste difficile à mesurer. Une étude menée en amont du scrutin montrait que seule une minorité d’Américains (environ 20%) s’estimaient bien informés sur les modalités du vote. Un terreau fertile pour les rumeurs et manipulations.
Pour autant, difficile d’affirmer que les fake news ont fait basculer l’élection. D’après plusieurs experts, leur impact est à relativiser face au poids d’autres facteurs comme l’économie ou les sujets de société. Les infox contribueraient surtout à renforcer des opinions préexistantes, plus qu’à faire changer d’avis. Un phénomène qui pose néanmoins question pour la santé démocratique du débat.
La désinformation ne fait pas gagner une élection, mais elle ronge la confiance dans le processus démocratique et c’est très préoccupant.
Une source proche du dossier
Une chose est sûre, la présidentielle américaine aura été un nouveau cas d’école du poids pris par la désinformation dans le débat public. Un phénomène qui, s’il ne détermine pas à lui seul l’issue des urnes, contribue à la polarisation de la société et fragilise la démocratie. Un défi majeur pour les géants de la tech comme pour les pouvoirs publics, à l’heure où les réseaux donnent une caisse de résonance inédite à la manipulation de l’information.