La Tunisie est actuellement secouée par une vague de condamnations visant des créateurs de contenus sur les réseaux sociaux. Accusés de diffuser des propos obscènes et d’adopter des positions immorales, quatre influenceurs web ont écopé de lourdes peines de prison allant de 18 mois à 4,5 ans. Une décision de justice qui suscite un vif débat dans le pays.
Des stars des réseaux sociaux derrière les barreaux
Parmi les personnalités condamnées figurent Lady Samara, une instagrameuse suivie par près d’un million d’abonnés, le tiktokeur Khoubaib, ainsi que le couple Afifa et Ramzi, eux aussi très populaires sur Instagram. Selon les médias locaux, les charges retenues contre eux incluent :
- Outrage public à la pudeur
- Diffusion de contenus contraires aux bonnes mœurs
- Propos et comportements inappropriés portant atteinte aux valeurs morales
- Risque d’influence négative sur le comportement des jeunes utilisateurs
Les peines prononcées sont particulièrement sévères. Lady Samara a ainsi été condamnée à 3 ans et 2 mois de prison, tandis que Khoubaib a écopé de 4 ans et 6 mois. Le 31 octobre, une autre influenceuse connue sous le nom de Choumoukh avait déjà été condamnée à 4 ans et demi de prison dans le cadre de la même enquête.
Une enquête lancée par le ministère de la Justice
C’est un communiqué du ministère tunisien de la Justice, diffusé le 27 octobre, qui est à l’origine de cette vague de condamnations. Le ministère y appelait les procureurs à poursuivre “toute personne produisant, affichant ou publiant des données, des images et des clips vidéo avec des contenus portant atteinte aux valeurs morales”. Une injonction rapidement suivie d’effets, avec l’ouverture d’une enquête visant plusieurs personnalités influentes des réseaux sociaux.
Un débat passionné sur les réseaux sociaux et dans les médias
Ces condamnations ont provoqué de vives réactions et un large débat en Tunisie. Sur les réseaux sociaux, deux camps s’affrontent :
- Ceux qui dénoncent une prolifération de propos grossiers et d’images obscènes, notamment sur TikTok et Instagram, et qui saluent la décision de la justice.
- Ceux qui y voient une nouvelle atteinte aux libertés et une restriction de la liberté d’expression.
Les médias tunisiens se font l’écho de ce débat de société. Le magazine en ligne Nawaat titre ainsi : “Les bonnes mœurs, nouvel alibi à la répression”, dénonçant un concept “flou” et une “dérive autoritaire” du régime. Selon Nawaat :
Après le démantèlement méthodique du pouvoir judiciaire, les poursuites engagées contre des opposants et journalistes, la répression de la société civile, ce sont désormais les personnes influentes sur les réseaux sociaux, indépendamment de la qualité des contenus qu’elles proposent, qui sont dans la ligne de mire du régime.
Où s’arrête la liberté d’expression ?
Au cœur de ce débat passionné, la question des limites de la liberté d’expression. Si pour certains, les contenus produits par les influenceurs condamnés dépassent clairement les bornes de la décence et représentent un danger pour la jeunesse, d’autres y voient une forme de censure et s’inquiètent d’un recul des libertés depuis l’accession au pouvoir du président Kaïs Saied.
Ces condamnations interviennent en effet dans un contexte politique tendu. L’opposition et la société civile dénoncent depuis trois ans une “dérive autoritaire” du président Saied, réélu en octobre pour un second mandat. La liberté d’expression sur internet, dans un pays ayant connu le Printemps arabe et une transition démocratique, est un sujet particulièrement sensible.
Un sujet qui divise la société tunisienne
Au-delà du cas des influenceurs condamnés, c’est un débat de fond qui agite actuellement la Tunisie. Comment concilier liberté d’expression, en particulier sur les réseaux sociaux, et respect des valeurs morales et de la pudeur ? Quel rôle doit jouer la justice dans la régulation des contenus en ligne ?
Ces questions divisent profondément la société tunisienne, entre partisans d’un plus grand contrôle et défenseurs d’une liberté d’expression sans entrave. Un sujet brûlant qui ne manquera pas de susciter encore de nombreuses réactions et prises de position dans les semaines et mois à venir.