L’ombre du Kremlin plane sur un procès d’espionnage hors norme qui s’ouvre ce mercredi à Vienne. Sur le banc des accusés, un ancien agent des services secrets autrichiens et un député d’extrême droite, soupçonnés d’avoir livré des informations sensibles à la Russie. Cette affaire rocambolesque ébranle une nouvelle fois le parti FPÖ, pourtant grand vainqueur des dernières élections législatives.
Le premier accusé, Egisto Ott, comparaît pour violation du secret professionnel. Cet ancien espion est accusé d’avoir transmis en 2018 à son co-accusé, Hans-Jörg Jenewein, alors élu FPÖ au pouvoir, les noms de collègues ayant participé à une réunion des services de renseignement européens. Il lui aurait aussi livré par la suite des noms d’agents sous couverture, “mettant en péril la sécurité nationale”, selon le parquet.
Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Egisto Ott est aussi soupçonné d’avoir cherché à collecter illégalement les noms des policiers enquêtant sur l’Ibizagate, un scandale de corruption impliquant l’extrême droite autrichienne révélé en 2019. Pour l’un de ses avocats, son client serait victime d’un règlement de comptes interne et politique, dénonçant une procédure à charge.
L’ombre de Moscou
Mais ce premier procès ne concerne qu’une part minime des soupçons pesant sur l’ancien agent. Dans des enquêtes distinctes, Egisto Ott est soupçonné d’avoir fourni des informations aux services de sécurité russes. Il lui est notamment reproché d’avoir mené des recherches pour Jan Marsalek, dirigeant en fuite de la société Wirecard, au cœur d’un énorme scandale financier en Allemagne.
Le passage de l’extrême droite au ministère de l’Intérieur entre 2017 et 2019 avait déjà conduit plusieurs pays occidentaux à limiter leurs échanges de renseignement avec l’Autriche, en raison de la proximité du FPÖ avec la Russie. Ce nouveau scandale d’espionnage tombe au plus mal pour le parti d’extrême droite.
L’Autriche cherche un gouvernement
Fin septembre, le FPÖ a remporté une victoire surprise aux élections législatives, devenant le premier parti du pays. Mais plus d’un mois après le scrutin, l’Autriche est toujours sans gouvernement. Aucune autre formation ne souhaite s’allier avec l’extrême droite pour former une majorité, invoquant justement ses liens troubles avec Moscou.
Cette affaire d’espionnage illustre une nouvelle fois la fascination d’une partie de l’extrême droite européenne pour la Russie de Vladimir Poutine. Une proximité idéologique et stratégique qui suscite de plus en plus d’inquiétudes, alors que le conflit en Ukraine a exacerbé les tensions entre l’Occident et Moscou.
En Autriche, le procès qui s’ouvre ce mercredi pourrait n’être que la partie émergée d’un vaste scandale d’espionnage aux ramifications complexes. Il risque en tout cas de compliquer encore un peu plus la situation politique déjà confuse du pays. L’extrême droite parviendra-t-elle à se défaire de l’ombre du Kremlin pour accéder au pouvoir ? L’avenir politique de l’Autriche en dépend largement.