Le football professionnel français se retrouve une nouvelle fois sous les projecteurs, mais pour de mauvaises raisons. Ce mardi, de multiples perquisitions étaient en cours dans les locaux de la Ligue de football professionnel (LFP), de son président Vincent Labrune, ainsi que dans ceux du fonds d’investissement CVC Capital Partners. Une enquête explosive menée par le parquet national financier (PNF), qui soupçonne notamment des faits de détournement de fonds publics.
Un contrat qui suscite des interrogations
Au cœur de cette affaire se trouve l’accord controversé noué en 2022 entre la LFP et CVC. Un partenariat qui prévoyait que le fonds d’investissement luxembourgeois injecte 1,5 milliard d’euros dans le football professionnel français, en échange de 13% des revenus de la Ligue pendant plusieurs décennies. Un montage juridique et financier complexe qui avait déjà fait l’objet de nombreuses interrogations et critiques.
Selon une source proche de l’enquête, les enquêteurs cherchent à déterminer s’il y a eu des irrégularités lors de la conclusion de ce deal, notamment du détournement de fonds publics, de la corruption active et passive d’agent public et/ou une prise illégale d’intérêts. Des soupçons graves qui ternissent une nouvelle fois l’image du football français.
Des bonus et commissions qui posent question
Toujours d’après nos informations, ce sont notamment les conditions financières entourant cet accord qui intriguent les enquêteurs. Il était ainsi prévu que les banquiers et avocats conseillant la LFP dans cette opération touchent des commissions de 37,5 millions d’euros une fois le contrat signé. Les dirigeants de la Ligue ayant négocié directement avec CVC devaient eux percevoir des bonus, dont 8,5 millions d’euros pour le seul Vincent Labrune. Des montants conséquents qui soulèvent des questions sur leur bien-fondé.
Le Sénat avait déjà tiré la sonnette d’alarme
Cette affaire fait écho aux mises en garde exprimées fin 2024 par une commission d’enquête sénatoriale sur le financement du football professionnel. Dans un rapport au vitriol, les sénateurs avaient vertement critiqué le contrat entre la LFP et CVC, y voyant un risque pour le modèle français. Ils avaient appelé à opérer une distinction nette entre les activités des ligues professionnelles et celles de leurs sociétés commerciales. Des recommandations visiblement restées lettre morte.
Nous espérons que cette affaire qui touche ce que nous considérons comme de l’argent public aboutisse à des condamnations.
Marcel Claude, président de l’association AC ! Anticorruption
La LFP et Labrune dans la tourmente
Cette enquête judiciaire place la Ligue de football professionnel et son président Vincent Labrune dans une position très inconfortable. Même si la LFP assure coopérer pleinement avec la justice, difficile d’imaginer qu’elle ne sorte pas affaiblie de ces investigations. Quant à Vincent Labrune, élu en grande pompe à la tête du foot professionnel en 2024 après un premier mandat déjà agité, son avenir apparaît des plus incertains si les soupçons du PNF venaient à se confirmer.
Au-delà des personnes, c’est tout le football français et son manque de transparence qui se retrouve une nouvelle fois pointé du doigt. Après les scandales à répétition de ces dernières années, de l’affaire des quotas ethniques à celle des commissions occultes en passant par le fiasco Mediapro sur les droits TV, cette énième affaire judiciaire vient ternir un peu plus son image et sa crédibilité. Le chemin sera long pour regagner la confiance du public et assainir la gouvernance du ballon rond tricolore.