L’Union Européenne vient de franchir un cap important dans l’équité fiscale avec l’adoption d’une réforme ambitieuse de la TVA visant spécifiquement les plateformes numériques. Fini le temps où certains acteurs de l’économie digitale échappaient à cette taxe, place désormais à des règles du jeu identiques pour tous. Décryptage d’une mesure qui pourrait bien redistribuer les cartes.
La fin d’un avantage fiscal pour les plateformes numériques
Jusqu’à présent, de nombreuses plateformes numériques d’hébergement ou de transport bénéficiaient d’un avantage de taille : elles n’étaient pas tenues de collecter la TVA sur les transactions réalisées par leurs utilisateurs. Une situation qui s’explique par le statut souvent particulier des prestataires de services, parfois de simples particuliers ou de petites entreprises non assujetties à la TVA.
Mais cet état de fait avait un prix : d’importantes pertes de recettes fiscales pour les États et une forme de concurrence déloyale vis-à-vis des entreprises traditionnelles. Des hôtels ou taxis soumis à la TVA là où leurs homologues de l’économie de plateforme y échappaient.
Un transfert de responsabilité vers les plateformes
La réforme adoptée ce mardi par les ministres des Finances de l’UE vient mettre un terme à cette situation. Désormais, ce seront les opérateurs de plateformes numériques eux-mêmes qui seront chargés de collecter et de reverser la TVA lorsque leurs prestataires ne s’en acquittent pas.
Selon les nouvelles règles, les plateformes collecteront directement la TVA auprès du client et la verseront aux autorités fiscales.
Le Conseil de l’UE
Une mesure de bon sens pour beaucoup d’observateurs, qui devrait permettre de rétablir des conditions de concurrence plus équitables entre acteurs traditionnels et numériques. Elle devrait aussi contribuer à endiguer les importantes pertes de recettes de TVA, estimées à 61 milliards d’euros par an au niveau européen.
D’autres mesures pour simplifier et lutter contre la fraude
Au-delà de cette disposition phare, la réforme adoptée comporte d’autres volets tout aussi importants. Parmi eux, la mise en place d’un système de déclaration numérique de TVA en temps réel pour les transactions entre entreprises, via un dispositif de facturation électronique qui devra être opérationnel d’ici 2030 au niveau européen.
L’objectif est clair : donner aux États membres un accès rapide à une information fiscale complète et fiable, un outil précieux dans la lutte contre la fraude à la TVA. En parallèle, le système de guichet unique permettant aux entreprises de déclarer et payer la TVA dans un seul État membre sera étendu et amélioré.
Les principaux points de la réforme :
- Responsabilité des plateformes dans la collecte de la TVA
- Déclaration numérique en temps réel pour les transactions B2B
- Extension du guichet unique TVA
- Harmonisation des systèmes nationaux d’ici 2035
Vers une harmonisation des systèmes nationaux
Enfin, la réforme pose les bases d’une plus grande harmonisation des systèmes de TVA au sein de l’Union. D’ici 2035, tous les dispositifs nationaux de facturation électronique devront être interopérables avec le système européen, facilitant ainsi les démarches pour les entreprises opérant dans plusieurs pays.
Une avancée saluée par le Commissaire européen à l’Économie, Paolo Gentiloni, qui y voit un pas important vers une plus grande efficacité et équité fiscale au sein du marché unique :
Les nouvelles règles vont nous permettre d’adapter nos systèmes de TVA à la numérisation de nos économies, d’aider à lutter contre la fraude tout en facilitant les obligations administratives pour les petites entreprises.
Mihaly Varga, ministre hongrois des Finances
Si cette réforme marque incontestablement un tournant, sa mise en œuvre concrète reste encore à préciser. Le texte doit encore passer devant le Parlement européen avant d’être formellement adopté par les États membres. Mais une chose est sûre : le paysage fiscal européen est en train de se redessiner, avec la ferme intention de ne laisser personne au bord de la route, pas même les géants du numérique.