Une tragédie maritime a endeuillé l’archipel des Comores ce week-end. Dans la nuit de vendredi à samedi, une embarcation transportant une trentaine de migrants a sombré dans le bras de mer séparant les Comores de Mayotte, faisant au moins 25 morts selon un bilan provisoire. Mais au-delà du drame humain, c’est le témoignage glaçant d’un des rares survivants qui retient l’attention.
Un acte délibéré des passeurs ?
Ce jeune Comorien de 19 ans, qui a requis l’anonymat, affirme que le naufrage a été sciemment provoqué par les trafiquants eux-mêmes. Alors que le bateau voguait au large d’Anjouan, les passeurs auraient intentionnellement fait entrer l’eau dans la coque, avant de prendre la fuite à bord d’une autre embarcation, abandonnant les passagers à une mort quasi-certaine.
Le moteur était éteint, les trafiquants ont dit qu’il était en panne et ont refusé d’appeler à l’aide. Le bateau coulait quand une grosse vague l’a retourné.
Un rescapé du naufrage
Nageant avec l’énergie du désespoir, le jeune homme a réussi à se maintenir à flot et à aider deux autres naufragés à s’accrocher à la coque à la dérive. Leur calvaire a duré toute la nuit, avant qu’ils ne soient miraculeusement repérés par des pêcheurs au petit matin. Aujourd’hui, il ne souhaite qu’une chose : que les responsables soient retrouvés et traduits en justice.
Les autorités promettent la transparence
Face à ces révélations, le gouvernement comorien assure que toute la lumière sera faite sur ce drame. « Les autorités sont en train de collecter des informations pour comprendre ce qui s’est passé. Une enquête formelle sera diligentée », a déclaré la porte-parole Fatima Ahamada. Le parquet de Mutsamudu a d’ores et déjà ouvert une information judiciaire.
Cette tragédie met une nouvelle fois en lumière les dangers de l’immigration clandestine entre l’archipel et le département français de Mayotte. Chaque année, des centaines de candidats à l’exil tentent la périlleuse traversée au péril de leur vie, à la merci de réseaux criminels sans scrupules. Un phénomène que les autorités peinent à endiguer malgré les efforts déployés.
Mayotte, eldorado des migrants comoriens
L’île aux parfums, comme on la surnomme, exerce une attraction irrésistible pour nombre de Comoriens en quête d’une vie meilleure. Avec un PIB par habitant 10 fois supérieur à celui des Comores, le 101ème département incarne la promesse d’un avenir meilleur pour une jeunesse en manque de perspectives.
Pourtant, pour la grande majorité, ce rêve vire au cauchemar. Sans papiers, ils constituent une main d’œuvre bon marché et corvéable à merci, victimes d’exploitation et vivant dans des conditions précaires. Régulièrement, des opérations de reconduite à la frontière font la une de l’actualité, sous le regard impuissant d’associations dénonçant une politique jugée inhumaine.
Le défi de la coopération régionale
Pour enrayer ce fléau, nombre d’experts jugent indispensable de mettre l’accent sur le co-développement entre Mayotte et l’Union des Comores. Faciliter la circulation des personnes et des biens, dynamiser les échanges économiques, investir dans l’éducation et la formation professionnelle : autant de pistes évoquées pour redonner espoir à la jeunesse comorienne et tarir les flux migratoires.
Malgré les pressions françaises, les autorités comoriennes renâclent encore à lutter efficacement contre les filières clandestines, dans un contexte politique intérieur instable et sur fond de différends persistants autour de la question du statut de Mayotte. Un dialogue de sourds qui dure depuis l’indépendance de l’archipel en 1975 et hypothèque l’avenir de toute une région.
Au lendemain de ce énième drame, les familles des disparus attendent des réponses et espèrent que leurs proches ne soient pas morts en vain. Une attente partagée par nombre d’observateurs, qui appellent les dirigeants comoriens et français à travailler enfin main dans la main pour trouver des solutions durables à ce douloureux problème. L’avenir de la jeunesse comorienne, et la stabilité de toute une région, en dépendent.