La situation sécuritaire se dégrade dangereusement en Ethiopie, poussant les Etats-Unis à tirer la sonnette d’alarme. Lors d’un entretien téléphonique avec le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a fait part de la profonde préoccupation de Washington face aux “violences croissantes” qui secouent la région Amhara, dans le nord du pays.
Depuis près d’un an et demi, cette zone stratégique, peuplée de 23 millions d’habitants, est le théâtre d’une insurrection armée menée par les Fano. Ces milices populaires traditionnelles “d’autodéfense”, issues de l’ethnie Amhara, la deuxième plus importante du pays, ont pris les armes contre le gouvernement fédéral en avril 2023.
Un conflit aux origines complexes
À l’origine de ce soulèvement, la volonté des autorités centrales de désarmer les Fano ainsi que les forces de sécurité régionales amhara. Une décision perçue comme une tentative de déstabilisation par la population locale, déjà méfiante envers le pouvoir en place.
Face à l’aggravation de la situation, le gouvernement éthiopien avait décrété l’état d’urgence en Amhara en août 2023. Une mesure exceptionnelle qui a expiré en juin dernier, sans pour autant apaiser les tensions. En septembre, d’importants renforts militaires ont été déployés dans la région, laissant craindre une escalade imminente.
Un appel au dialogue politique
Conscients des risques d’embrasement, les Etats-Unis ont exhorté les différentes parties à privilégier “un dialogue politique pour résoudre les autres conflits internes de l’Éthiopie”, selon un communiqué du porte-parole du département d’Etat, Matt Miller. Une référence à peine voilée aux multiples foyers de tension qui minent le pays, de la région tigréenne au nord à l’Oromia au centre.
Des répercussions régionales inquiétantes
Mais les violences en Amhara ne sont pas les seules sources d’inquiétude pour Washington. Lors de son échange avec Abiy Ahmed, Antony Blinken a également évoqué “la montée des tensions dans la Corne de l’Afrique”, alors que les relations entre l’Ethiopie et son voisin somalien n’ont cessé de se détériorer ces derniers mois.
En cause, la signature en janvier par Addis Abeba d’un protocole d’accord avec le Somaliland, région séparatiste qui a unilatéralement proclamé son indépendance de la Somalie en 1991. Ce texte prévoit la location pour 50 ans à l’Ethiopie, pays enclavé, de 20 km de côtes du Somaliland. Une décision perçue comme une “agression” par Mogadiscio, qui a dénoncé un accord “illégal”.
En réaction, la Somalie a intensifié ses relations avec l’Égypte, rival historique de l’Ethiopie, ajoutant encore à la complexité de l’équation géopolitique régionale.
L’Ethiopie au bord du gouffre ?
Malgré ces signaux alarmants, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix en 2019, a tenté de rassurer en affirmant devant le Parlement que son pays n’avait “aucun intérêt à s’impliquer dans une guerre”. Des propos en décalage avec la réalité du terrain, où les violences intercommunautaires et les velléités indépendantistes menacent chaque jour un peu plus l’intégrité du deuxième pays le plus peuplé d’Afrique.
Face à cette poudrière, la communauté internationale retient son souffle. Car si l’Ethiopie venait à imploser, c’est toute la Corne de l’Afrique qui pourrait s’embraser, avec des conséquences potentiellement dévastatrices pour la sécurité et la stabilité de la région. Un scénario catastrophe que les Etats-Unis, à l’instar des autres puissances mondiales, cherchent à tout prix à éviter. Mais le temps presse, et les options diplomatiques s’amenuisent de jour en jour.