Sur les collines entourant Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, d’étranges flammes jaillissent du sol, révélant la richesse en hydrocarbures du pays. Cette manne pétrolière et gazière, surnommée “cadeau des dieux”, a façonné l’histoire, l’économie et la culture azerbaïdjanaises. Mais alors que l’Azerbaïdjan s’apprête à accueillir la conférence climatique annuelle de l’ONU, la COP29, cette bénédiction pourrait devenir encombrante.
Un pionnier pétrolier à la croisée des chemins
L’Azerbaïdjan, qui dispose de 7 milliards de barils de réserves pétrolières prouvées, a été l’un des premiers pays au monde à se lancer dans l’exploitation commerciale du pétrole au milieu du XIXe siècle. Depuis son indépendance de l’URSS en 1991, le pays a produit plus d’un milliard de tonnes d’or noir et prévoit d’augmenter sa production annuelle de gaz naturel de plus d’un tiers en dix ans.
Les revenus pétrogaziers, qui représentent 35% du PIB et près de la moitié du budget de l’État, ont permis à l’Azerbaïdjan de faire un bond en avant spectaculaire. Bakou, ancien hameau de pêcheurs, est devenue une métropole animée parsemée de gratte-ciel et accueillant des événements internationaux. Mais derrière les tours scintillantes se cachent pauvreté, inégalités et répression.
L’Europe, cliente privilégiée
Quelque 75% des exportations énergétiques azerbaïdjanaises sont destinées au marché européen. Soucieuse de réduire sa dépendance au gaz russe, la Commission européenne a convenu l’an dernier de doubler ses importations de gaz azerbaïdjanais. Mais ces gisements d’hydrocarbures tant prisés devraient se tarir d’ici 20 ans pour le pétrole et 50 ans pour le gaz, d’après les experts.
L’objectif de l’Azerbaïdjan est de rentabiliser au maximum ses ressources en hydrocarbures avant que l’Europe n’atteigne son objectif de décarbonation.
Ilham Shaban, expert en énergie
Une transition énergétique en demi-teinte
Face à l’épuisement annoncé de ses réserves, l’Azerbaïdjan cherche à diversifier son économie et à verdir son mix énergétique. Le pays ambitionne d’accroître sa capacité en énergies renouvelables de 30% d’ici 2030 et de réduire ses émissions de 40% d’ici 2050 par rapport à 1990. Il souhaite aussi faire de la région du Haut-Karabakh, reprise à l’Arménie, une “zone d’énergie verte”.
Mais les défenseurs de l’environnement jugent ces efforts insuffisants. Selon Climate Action Tracker, les émissions de gaz à effet de serre de l’Azerbaïdjan augmenteront de 23 à 40% d’ici 2030 par rapport à 2020. L’Azerbaïdjan n’a pas de plan climatique en phase avec l’accord de Paris.
Les hôtes de la COP ont la responsabilité de faire avancer les choses et la réponse ne se trouve pas au fond d’un puits de pétrole ou d’un gazoduc.
Jasper Inventor, chef de la délégation Greenpeace à la COP29
Un virage énergétique incontournable
Pour l’Azerbaïdjan, la transition énergétique est un défi de taille mais aussi une opportunité. Le pays doit trouver un équilibre entre l’exploitation de ses hydrocarbures, moteur de son développement, et l’impératif climatique. Cela passe par des investissements massifs dans les énergies propres, une meilleure efficacité énergétique et une diversification économique.
L’accueil de la COP29 pourrait être un déclic pour accélérer cette mutation. En mettant en lumière les enjeux climatiques et en rassemblant acteurs publics et privés, cet événement peut catalyser les réformes nécessaires. Mais sans une volonté politique forte et des engagements concrets, l’Azerbaïdjan risque de rester prisonnier de son “cadeau des dieux” devenu fardeau.
À l’heure où la lutte contre le réchauffement est une priorité mondiale, tous les regards seront tournés vers Bakou lors de la COP29. L’Azerbaïdjan saura-t-il saisir cette occasion pour tracer une nouvelle voie énergétique et montrer l’exemple ? L’avenir nous le dira, mais une chose est sûre : la transition ne se fera pas sans douleur pour ce pays bâti sur l’or noir.