Le gouvernement italien de Giorgia Meloni vient d’essuyer un nouveau revers dans la mise en œuvre de sa politique migratoire drastique. Lundi, un tribunal de Catane en Sicile a statué que l’Égypte ne pouvait pas être considérée comme un pays “sûr” vers lequel renvoyer des demandeurs d’asile sans examen approfondi de leur dossier, invalidant ainsi une mesure phare de l’exécutif d’extrême droite.
En octobre dernier, l’Italie avait inclus l’Egypte dans sa liste des pays dits “sûrs”, permettant le renvoi express des migrants originaires de ces États dans le cadre d’une procédure accélérée. Mais les juges siciliens ont estimé que le niveau de sécurité devait y être “général et constant” pour justifier une telle qualification, se référant à une décision récente de la Cour européenne de justice.
Graves violations des droits humains en Egypte
Pour motiver sa décision, le président du tribunal Massimo Escher a souligné l’existence de “graves violations des droits de l’homme” en Egypte :
- Utilisation systématique de la torture par les forces de l’ordre
- Violences contre les défenseurs des droits et les journalistes
- Discrimination envers les femmes, minorités religieuses et LGBT+
Des éléments qui l’ont conduit à refuser de valider la détention d’un demandeur d’asile égyptien dans l’attente de son expulsion. Selon son avocate, le tribunal a pris des décisions similaires pour 4 autres migrants le même jour, dont deux Bangladais.
L’accord avec l’Albanie également fragilisé
Mi-octobre, un juge romain s’était déjà appuyé sur l’arrêt de la CJUE pour invalider le placement des 12 premiers migrants, Egyptiens et Bangladais, dans de nouveaux centres gérés par l’Italie… en Albanie. Cet accord inédit, permettant de délocaliser le traitement des demandes d’asile hors de l’UE, est une autre mesure emblématique du gouvernement Meloni. Mais il suscite de vives inquiétudes quant au respect des droits des personnes transférées.
Face à ces revers judiciaires, l’exécutif a revu sa copie, retirant fin 2023 le Cameroun, la Colombie et le Nigeria de sa liste de pays “sûrs”, qui en compte désormais 19 dont le Bangladesh, l’Egypte et la Tunisie. Mais la Ligue de Matteo Salvini, allié de Mme Meloni, a vivement critiqué la décision des juges de Catane, affirmant que l’Egypte était une “destination touristique de plus en plus prisée”. Un argument qui ne suffira sans doute pas à convaincre la justice.
Une politique migratoire de plus en plus contestée
Depuis son arrivée au pouvoir fin 2022, Giorgia Meloni mène une politique migratoire très restrictive visant à tarir les flux de migrants africains débarquant chaque année sur les côtes italiennes. Mais sa stratégie des renvois express vers des pays “sûrs” se heurte à de sérieux obstacles juridiques et suscite une réprobation croissante, en Italie et à l’étranger, en raison des risques encourus par les personnes expulsées vers des États peu respectueux des libertés fondamentales.
Si l’objectif de réduire l’immigration clandestine est louable, les méthodes choisies par le gouvernement Meloni semblent difficilement tenables à long terme. Les récentes décisions de justice pourraient l’obliger à revoir sa copie en profondeur. A moins de continuer à jouer au chat et à la souris avec les tribunaux, au risque d’une crise institutionnelle majeure.