C’est un véritable cri de détresse que lancent les agriculteurs libanais. Pris en étau entre les bombardements israéliens et les tirs de roquettes du Hezbollah, nombre d’entre eux ont dû se résoudre à un choix déchirant : fuir leurs terres et abandonner des récoltes promises à une saison record. Un exode massif qui risque de plonger l’agriculture du pays des Cèdres dans une crise sans précédent.
Une saison des récoltes partie en fumée
Quand les violences entre Israël et le Hezbollah ont éclaté fin septembre, Abou Taleb venait à peine de commencer à récolter ses précieux avocats, principalement destinés à l’exportation. Mais ce père de famille originaire du sud du Liban n’a eu d’autre choix que de tout laisser derrière lui pour se réfugier dans le nord du pays.
La guerre a éclaté juste avant la saison des premières récoltes. Quand je suis retourné à mon verger, c’était un désert… Ça faisait peur.
Abou Taleb, agriculteur réfugié à Tripoli
Comme lui, ils sont des milliers à avoir dû fuir les bombardements, laissant derrière eux des hectares de fruits et légumes non récoltés. Selon l’ONU, près de 2000 hectares de terres agricoles auraient été soit endommagés, soit abandonnés dans le sud du Liban au 28 septembre. Un désastre pour toute une filière.
Des agriculteurs au bord de la ruine
Pour les exploitants contraints à l’exil, chaque jour qui passe rend la situation plus critique. Hani Saad, un important producteur d’avocats, d’agrumes et de bananes de la région de Nabatiyeh, a dû laisser 120 hectares de plantations sans surveillance. Il espère un cessez-le-feu rapide, sans quoi la saison sera définitivement perdue.
Si le cessez-le-feu a lieu d’ici un mois, je peux sauver les meubles, sinon, la saison entière est fichue.
Hani Saad, agriculteur déplacé
Un constat partagé par Gaby Hage, un exploitant d’oliviers de Rmeich, localité chrétienne prise sous les feux croisés. S’il a pu profiter d’une brève accalmie pour récolter 100 de ses 350 arbres, les dégâts sont déjà considérables. Sans entretien depuis près d’un an à cause des bombardements, une grande partie de la récolte est perdue.
Les exportations en chute libre
La guerre a aussi un impact direct sur les exportations de fruits libanais, dont les pays du Golfe sont le principal débouché. Avec la fermeture des frontières syriennes et l’arrêt quasi-total du trafic aérien et maritime, les coûts de transport explosent, rendant les livraisons presque impossibles.
Résultat, le marché local des régions épargnées est saturé, entraînant une chute des prix. Le coût des bananes a par exemple été divisé par trois. Un manque à gagner qui met les producteurs au bord du gouffre financier, à l’image de Hani Saad qui ne vend plus que pour 300 dollars par jour, contre 5000 avant la guerre.
Une catastrophe annoncée pour l’agriculture libanaise
Si le président du syndicat des agriculteurs de la Békaa a connu plusieurs guerres, il n’a jamais vu une situation aussi grave pour le secteur. Un constat partagé par tous les exploitants, qui craignent que cette saison perdue ne soit que le début d’une longue descente aux enfers.
J’ai connu quatre guerres, ça n’a jamais été aussi grave.
Ibrahim Tarchichi, président du syndicat des agriculteurs de la Békaa
Car au-delà des dégâts immédiats, c’est toute une filière qui risque de mettre des années à s’en remettre. Entre les vergers endommagés, les systèmes d’irrigation détruits et l’exode d’une main d’œuvre déjà précaire, le chemin sera long et semé d’embûches pour l’agriculture libanaise.
Une catastrophe annoncée qui risque de priver le Liban d’une de ses principales ressources, et de plonger des milliers de familles dans la précarité. Un drame de plus pour un pays déjà meurtri, qui peine à entrevoir la lumière au bout du tunnel.