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L’avenir incertain des relations américano-turques malgré le scrutin

Les élections présidentielles américaines ne devraient pas rebattre les cartes des relations tendues entre Washington et Ankara. Malgré leur appartenance à l'OTAN, les deux pays peinent à s'entendre sur de nombreux dossiers stratégiques, du conflit israélo-palestinien à la question kurde...

Alors que les Américains se rendent aux urnes ce mardi pour élire leur prochain président, l’avenir des relations entre Washington et Ankara semble tout aussi incertain, quel que soit le vainqueur du scrutin. Malgré leur appartenance commune à l’OTAN, les États-Unis et la Turquie peinent en effet à s’entendre sur de nombreux dossiers stratégiques, laissant peu d’espoir d’embellie à court terme.

Des désaccords persistants malgré l’alliance

Si les années 1990 ont vu les deux pays entretenir des relations étroites, se considérant mutuellement comme des alliés indispensables, force est de constater que ce temps semble révolu. La dernière visite d’un président américain en Turquie remonte ainsi à 2009, lorsque Barack Obama s’était rendu à Ankara. Depuis, ni Donald Trump ni Joe Biden n’ont fait le déplacement, même si le premier a reçu son homologue turc Recep Tayyip Erdogan par deux fois à la Maison Blanche.

Pour Soner Cagaptay, de l’Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient, Américains et Turcs ont acté leurs divergences et tentent désormais de “chercher des domaines de coopération”, notamment en Afrique, où la Turquie a étendu son influence, et en Asie centrale musulmane, région dans laquelle Ankara possède une influence historique.

Le dossier kurde, pomme de discorde

Parmi les principaux points de friction figure la question kurde. La Turquie garde en travers de la gorge l’alliance nouée par Washington avec des combattants kurdes en Syrie, qu’elle accuse de terrorisme, pour lutter contre le groupe État islamique. Ankara a par ailleurs peu goûté d’être privé par les États-Unis du programme d’avions de combat F-35, en représailles à l’acquisition du système de défense antiaérien russe S-400.

Biden ou Trump, peu d’espoir d’amélioration

Si certains analystes prêtent à Ankara une préférence pour Donald Trump, en raison de ses relations personnelles avec Erdogan, d’autres estiment que des responsables turcs pencheraient pour une administration démocrate, jugeant que l’ère Trump n’a pas laissé que de bons souvenirs, entre crises diplomatiques et sanctions économiques. L’actuel locataire de la Maison Blanche avait ainsi provoqué en 2018 un effondrement de la livre turque en imposant des sanctions à des ministres turcs.

La victoire de Joe Biden, moins proche d’Israël que son prédécesseur, pourrait toutefois être perçue comme un risque par Ankara alors que les tensions entre l’État hébreu et l’Iran ne cessent de croître. Dimanche, le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan a ainsi estimé que “la stratégie expansionniste” du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu “pourrait s’intensifier” en cas de réélection de Donald Trump.

Vers une dégradation durable des liens ?

Au-delà du résultat des urnes, le risque d’un délitement durable des relations semble bien réel. Comme le souligne Rich Outzen, de la Brookings Institution, l’idée s’est répandue à Washington que “les tensions avec la Turquie ne valent peut-être pas la peine d’être résolues” et qu’il n’y a “pas grand-chose à gagner à répondre aux préoccupations turques, Ankara ayant adopté des positions inconciliables avec les intérêts américains et occidentaux”.

La réticence de Joe Biden à s’entretenir avec Erdogan, qu’il a qualifié d'”autocrate”, et l’ajournement sine die de l’unique rendez-vous prévu entre les deux hommes en mai n’incitent guère à l’optimisme. Même la récente levée par la Turquie de son veto à l’adhésion de la Suède à l’OTAN n’a pas suffi à réchauffer durablement l’atmosphère, Washington et Ankara s’opposant rapidement sur la situation à Gaza et l’attitude d’Israël.

Dans ce contexte, l’issue du scrutin de mardi ne devrait guère changer la donne. Démocrate ou républicain, le prochain locataire de la Maison Blanche devra composer avec ce partenaire aussi incontournable que difficile, dans une relation appelée à rester complex.

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