Une égalité parfaite entre Kamala Harris et Donald Trump au soir du scrutin présidentiel américain ? L’hypothèse, aussi improbable qu’angoissante pour des millions d’électeurs, est permise par la Constitution. Dans ce scénario inédit depuis plus de deux siècles, c’est le Congrès qui serait alors chargé de désigner le prochain locataire de la Maison Blanche.
Quand 269 = 269
Selon les règles électorales en vigueur, la clé réside dans le nombre magique de 269. C’est en effet le seuil d’une égalité parfaite au sein du collège électoral, qui compte 538 grands électeurs. Plusieurs combinaisons de résultats État par État pourraient mathématiquement y conduire.
Par exemple, si la candidate démocrate l’emporte dans le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie, tandis que son rival républicain gagne la Géorgie, l’Arizona, le Nevada, la Caroline du Nord ainsi qu’une circonscription du Nebraska, les deux se retrouveraient à égalité. Un partage à 269 voix chacun, du jamais vu dans l’histoire moderne.
Le précédent de 1800
Pour trouver trace d’un tel scénario, il faut remonter à l’élection de 1800. À l’époque, deux candidats du même parti, Thomas Jefferson et Aaron Burr, avaient récolté le même nombre de grands électeurs. Conformément à la Constitution, la Chambre des représentants avait dû les départager, choisissant Jefferson au terme de 36 tours de scrutin !
Cette situation avait conduit en 1804 à l’adoption du 12e amendement, qui détaille la procédure à suivre en cas d’absence de majorité au collège électoral. Plus de deux siècles plus tard, ce texte pourrait donc ressortir des cartons et s’appliquer à nouveau.
Comment le Congrès élirait le président
Le 12e amendement prévoit qu’en cas d’égalité, c’est la nouvelle Chambre des représentants issue des élections de mi-mandat qui aurait la main. Chaque État, quelle que soit sa population, disposerait d’une seule voix, attribuée à la majorité de sa délégation.
Avec 50 États, il faudrait donc réunir 26 votes pour l’emporter. Et les projections donnent un net avantage aux Républicains pour conserver le contrôle d’une majorité de délégations à la Chambre. Dans l’hypothèse d’une égalité Harris-Trump, ce serait donc potentiellement ce dernier qui serait élu par le Congrès !
Interminable suspense en vue ?
Bien sûr, un tel scénario reste très improbable au regard des sondages et des projections en voix comme en sièges. Il souligne néanmoins les zones d’ombre du système électoral américain, qui pourrait à nouveau faire basculer une élection dans la confusion juridique et politique.
Si jamais l’égalité au collège électoral venait à se produire, il faudrait s’attendre à un interminable suspense, des recours multiples, et une tension extrême dans un pays déjà à cran, où des millions d’électeurs sont persuadés d’irrégularités dans le processus de vote. De quoi plonger la première puissance mondiale dans l’inconnu pour de longs mois.
Alors que la campagne entre dans sa dernière ligne droite, les états-majors des deux camps doivent donc examiner très sérieusement toutes les hypothèses, même les plus marginales. Car en matière d’élection présidentielle américaine, l’histoire nous l’a montré, rien n’est jamais joué d’avance ni impossible. L’ombre de 1800 pourrait bien planer jusqu’au bout sur ce scrutin d’une intensité et d’une importance cruciales pour l’avenir de l’Amérique et du monde.