Alors que les combats font rage en Ukraine, un ennemi insidieux se propage dans l’ombre : les bactéries antibiorésistantes. Les blessures de guerre, souvent graves et infectées, nécessitent un usage massif d’antibiotiques qui accélère le phénomène de résistance aux antimicrobiens. Un véritable défi sanitaire qui pourrait avoir des répercussions bien au-delà des frontières ukrainiennes.
Des blessures de guerre propices aux infections antibiorésistantes
Sur le front, les blessures par balles et éclats d’obus laissent souvent les soldats avec des plaies ouvertes et souillées, terreau idéal pour la prolifération bactérienne. Faute d’une évacuation rapide, beaucoup arrivent à l’hôpital avec des lésions purulentes et nécrosées, abritant des germes multirésistants difficiles à traiter.
Face à l’urgence, les médecins n’ont d’autre choix que d’administrer d’emblée de puissants antibiotiques à large spectre, sans attendre les résultats d’analyses bactériologiques. Une stratégie qui sauve des vies mais favorise l’émergence de souches résistantes.
Des hôpitaux saturés, catalyseurs de résistance
Avec l’afflux massif de blessés, les hôpitaux ukrainiens sont débordés. Les services de chirurgie tournent à plein régime, avec un risque accru d’infections nosocomiales par des bactéries multirésistantes qui se transmettent d’un patient à l’autre.
Chaque explosion est une plaie ouverte, et chaque plaie ouverte est une infection.
Dr Serguiï Kossoulnykov, chirurgien à l’hôpital Metchnikov de Dnipro
Le manque de médicaments et d’équipements force aussi les soignants à des choix cornéliens. Certains soldats présentent déjà une antibiorésistance à leur arrivée, signe inquiétant d’une diffusion communautaire du phénomène, possiblement liée aux conditions de promiscuité dans les tranchées.
Un problème de santé publique aux frontières poreuses
Si la situation empire, les bactéries antibiorésistantes nées sur le front ukrainien pourraient essaimer dans la population civile puis se propager à d’autres pays. L’Ukraine est déjà connue pour ses taux élevés de résistance aux antimicrobiens et la guerre ne fait qu’aggraver le problème.
Pour endiguer le phénomène, le pays a décuplé le nombre de laboratoires de surveillance, passant de 3 en 2017 à 100 actuellement. Mais il faudra une mobilisation internationale et des moyens colossaux pour éviter une catastrophe sanitaire qui ne connaît pas les frontières.
Il y a quelques victoires locales, mais il n’y aura pas de victoire complète.
Dr Serguiï Kossoulnykov
Une chose est sûre : dans la guerre qui oppose l’Ukraine à la Russie, les microbes antibiorésistants sont l’ennemi de tous. Et ils progressent, inexorablement, dans l’ombre des champs de bataille.