Ce dimanche, les Moldaves sont appelés aux urnes pour un scrutin présidentiel décisif qui pourrait déterminer l’orientation géopolitique de leur pays pour les années à venir. Deux personnalités aux visions diamétralement opposées s’affrontent : la présidente sortante Maia Sandu, fermement pro-européenne, et l’ancien procureur général Alexandr Stoianoglo, partisan d’un rapprochement avec Moscou.
Maia Sandu, architecte du rapprochement avec l’UE
Maia Sandu, 52 ans, a été la première femme élue à la tête de la Moldavie en 2020. Cette économiste réputée pour son intégrité a résolument tourné le dos à la Russie suite à l’invasion de l’Ukraine, pays frontalier de la Moldavie. Son ambition affichée est de faire entrer au plus vite son pays de 2,6 millions d’habitants dans l’Union européenne.
Discrète mais déterminée, Maia Sandu a su gagner la confiance des dirigeants européens qui louent son “courage”. Née en Moldavie soviétique, cette diplômée en gestion et relations internationales a d’abord travaillé pour la Banque mondiale avant d’accepter en 2012 le poste de ministre de l’Éducation, divisant alors son salaire par 15. Un “tourbillon” politique qui la mènera jusqu’à la présidence 8 ans plus tard.
Je n’avais pas prévu de devenir une femme politique. Mais j’ai décidé que ne pas vouloir vivre dans un pays dirigé par des gens corrompus ne signifiait pas forcément devoir changer de pays.
Maia Sandu, lors d’un discours à Harvard en 2022
Devenue une figure européenne de premier plan, Maia Sandu est toutefois critiquée dans son pays, certains lui reprochant un manque d’écoute et des réformes de la justice inabouties. Le référendum qu’elle a convoqué le 20 octobre pour inscrire l’objectif d’adhésion à l’UE dans la Constitution n’a été approuvé que de justesse, signe d’une fragilisation.
Alexandr Stoianoglo, le candidat de Moscou ?
En face, Alexandr Stoianoglo, 57 ans, est présenté par sa rivale comme le “cheval de Troie” de Moscou. Soutenu par les socialistes prorusses, cet ancien procureur se revendique “apolitique” et prône des relations équilibrées tant avec l’Occident que la Russie.
Originaire de Gagaouzie, région autonome prorusse du sud de la Moldavie, Stoianoglo est plus à l’aise en russe qu’en roumain, langue officielle du pays. Nommé procureur général en 2019, il sera suspendu deux ans plus tard puis définitivement limogé en 2023 par Maia Sandu, qui l’accuse de ne pas avoir combattu la corruption.
Inculpé dans plusieurs affaires, Stoianoglo se pose en victime et promet “la justice pour tous”. Il se dit favorable à une adhésion à l’UE, soulignant que ses filles y ont étudié, mais a boycotté le référendum sur l’inscription de cet objectif dans la Constitution. Un positionnement ambigu qui fait craindre à certains experts une dérive à la géorgienne, pays où Bruxelles a gelé le processus d’adhésion.
Un choix de société pour la Moldavie
Au-delà des personnalités, c’est un véritable choix de société qui s’offre aux électeurs moldaves. Continuer sur la voie pro-occidentale initiée par Maia Sandu avec l’espoir d’intégrer rapidement l’UE et ses promesses de développement économique ? Ou renouer avec l’influence russe comme le propose Alexandr Stoianoglo, au risque de s’exposer aux pressions du Kremlin ?
Coincée entre la Roumanie, membre de l’UE et de l’Otan, et l’Ukraine en guerre, la Moldavie est l’un des pays les plus pauvres d’Europe. Quel que soit le vainqueur, il lui faudra rassembler une société fracturée tout en assurant la sécurité et la prospérité de cette ancienne république soviétique, independent depuis seulement 1991.
C’est donc une élection à la fois locale par ses enjeux concrets pour les Moldaves, mais aussi géopolitique par le message qu’elle enverra à Bruxelles et Moscou. Un nouveau test pour la démocratie dans cette région sous haute tension.