Selon un communiqué diffusé vendredi soir, le gouvernement tchadien a fermement démenti les récentes informations faisant état d’attaques supposément menées par l’armée tchadienne contre des civils, notamment des pêcheurs, dans la région stratégique du lac Tchad. Abderaman Koulamallah, porte-parole du gouvernement, a insisté sur le fait que les opérations menées jusqu’à présent ont uniquement ciblé des groupes jihadistes bien identifiés.
Les manœuvres militaires tchadiennes, qualifiées d’« organisées et disciplinées » par les autorités, veillent scrupuleusement à ne jamais viser des populations civiles, assure le communiqué gouvernemental. Ces démentis interviennent suite aux accusations portées jeudi par des pêcheurs locaux et des milices anti-jihadistes, affirmant que des frappes tchadiennes auraient tué par erreur des « dizaines » de pêcheurs au Nigeria, en voulant viser des combattants de Boko Haram.
Une situation complexe dans la région du lac Tchad
Un officier de l’état-major tchadien, souhaitant rester anonyme, a confirmé à l’AFP la réalité de frappes « opérées dans les îles situées aux confins du Nigeria et du Niger ». Il a fait valoir la difficulté de distinguer populations civiles et terroristes dans cette zone :
Les Boko Haram se fondent souvent au sein des pêcheurs et des paysans à chaque fois qu’ils commettent leurs forfaits. Il est donc difficile de faire la différence entre la population et les terroristes.
Un officier de l’état-major tchadien
Babakura Kolo, chef d’une milice anti-jihadiste nigériane, a affirmé jeudi qu’un avion de chasse tchadien avait attaqué des pêcheurs sur l’île de Tilma, faisant de nombreuses victimes parmi eux. Selon lui, l’appareil aurait pris ces pêcheurs pour des terroristes de Boko Haram, en représailles à l’attaque d’une base militaire au Tchad dimanche dernier.
Des témoignages contradictoires
Sallau Arzika, un pêcheur témoin de la scène, a raconté à l’AFP que l’avion de chasse avait « encerclé » l’île de Tilma avant de larguer des bombes, tandis que les gens couraient dans toutes les directions pour se mettre à l’abri. Mais pour le gouvernement tchadien, ces « allégations erronées » cherchent à « semer la confusion et à déstabiliser l’opinion publique ».
Dans la nuit de dimanche à lundi, le groupe jihadiste Boko Haram a mené un raid meurtrier contre une base militaire dans la région du lac Tchad, faisant « une quarantaine de morts » selon les autorités tchadiennes. En réponse, l’opération militaire « Haskanite » a été lancée lundi par le Tchad.
Une opération militaire d’envergure
Qualifiée de « purement militaire et sécuritaire » par le premier ministre tchadien Abderahim Bireme Hamid, cette opération ne vise pas seulement à sécuriser les populations locales. Il est question de « traquer, débusquer et anéantir » la capacité de nuisance de Boko Haram et de ses affidés, a-t-il assuré mercredi.
Situé entre le Niger, le Nigeria, le Cameroun et le Tchad, le lac Tchad est une zone stratégique parsemée d’îlots qui servent de refuge aux combattants de Boko Haram ou de sa branche dissidente, l’État Islamique en Afrique de l’Ouest. La mobilité de ces groupes armés rend leur traque particulièrement ardue pour les forces militaires de la région.
Boko Haram, une menace persistante
Apparu en 2009 au Nigeria, Boko Haram a depuis étendu ses activités terroristes aux pays frontaliers, faisant quelque 40 000 morts et plus de deux millions de déplacés sur son passage. Malgré les efforts des forces armées de la région, le groupe jihadiste reste une menace majeure pour la stabilité et la sécurité du bassin du lac Tchad.
Face aux accusations de bavure, le gouvernement tchadien se trouve aujourd’hui dans une position délicate. Tout en réaffirmant la nécessité de lutter avec fermeté contre Boko Haram, il doit aussi rassurer les populations civiles et la communauté internationale sur le strict respect des règles d’engagement lors de ses opérations militaires. Un défi de taille dans cette région tourmentée, où la frontière entre civils et combattants est souvent ténue.
Au cœur de ce conflit qui dure depuis plus d’une décennie, les populations du lac Tchad continuent de subir les conséquences dramatiques des violences. Prises en étau entre la menace jihadiste et les opérations militaires censées les protéger, elles aspirent à retrouver une vie normale et paisible. Un espoir qui semble encore lointain, tant que Boko Haram n’aura pas été définitivement vaincu et que la stabilité n’aura pas été restaurée durablement dans la région.