Un pas historique vient d’être franchi lors de la COP16 sur la biodiversité qui s’est tenue à Cali en Colombie. Après d’intenses négociations, les 196 pays participants ont adopté la création d’un fonds multilatéral inédit destiné à ce que les entreprises partagent les bénéfices réalisés grâce à l’utilisation des ressources génétiques issues des pays en développement. Une avancée majeure pour plus d’équité.
Un “pillage” des richesses des pays pauvres
Depuis des années, les pays en développement dénoncent un véritable “pillage” de leurs ressources génétiques. Des plantes, animaux ou micro-organismes dont le génome est séquencé et exploité par des entreprises, principalement des pays riches, pour fabriquer des médicaments, cosmétiques ou encore des arômes alimentaires. Des produits qui peuvent rapporter des milliards, sans que les communautés d’origine de ces ressources ne voient la couleur de ces bénéfices.
Un exemple emblématique est celui de la vanille. Cet arôme, présent dans de nombreuses crèmes glacées, est aujourd’hui synthétisé en laboratoire à partir du séquençage génétique d’une orchidée originaire du Mexique. Une plante dont l’utilisation était autrefois réservée à une tribu locale.
Un serpent de mer des négociations sur la biodiversité
La question du partage des bénéfices tirés des informations de séquençage numérique sur les ressources génétiques, appelées DSI en anglais, est un sujet récurrent lors des COP sur la biodiversité. Ces données génétiques sont souvent issues d’espèces présentes dans les pays en développement. Elles sont ensuite téléchargées dans des bases de données en libre accès et utilisées par les entreprises, sans que les bénéfices ne reviennent aux pays et communautés d’origine.
Lors de la précédente COP en 2022, il avait été acté le principe de créer un fonds dédié, le “fonds mondial pour le partage des bénéfices”, une revendication de longue date des pays du Sud. Mais son fonctionnement concret restait à définir. C’est désormais chose faite avec l’adoption du “Fonds Cali” lors de la COP16.
Qui va payer ? Combien ? Dans quel fonds ?
Mais les négociations ont été tendues jusqu’au bout sur les modalités de ce nouveau fonds : qui doit y contribuer, quel montant, et comment répartir l’argent ? Après un ultime bras de fer nocturne impliquant notamment l’Inde et la Suisse, un accord a finalement été trouvé.
Selon le texte adopté, les entreprises utilisant des informations de séquençage numérique “devraient verser au fonds mondial une part de leurs profits ou revenus”. Pour celles d’une certaine taille, les contributions suggérées sont de l’ordre de 1% des bénéfices ou 0,1% du chiffre d’affaires lié à ces activités. Sont notamment concernés les secteurs pharmaceutique, des compléments alimentaires, des cosmétiques, des biotechnologies et de l’agro-industrie.
Un partage 50/50 entre pays et peuples autochtones
Placé sous l’égide de l’ONU, le “Fonds Cali” répartira ensuite cet argent à parts égales entre les pays en développement et les peuples autochtones et communautés locales. Un mécanisme inédit pour tenter de restaurer plus de justice et d’équité dans le partage des richesses issues de la biodiversité.
Des milliards espérés mais des contributions volontaires
Les pays en développement espèrent que ce fonds permettra de lever des milliards de dollars, qui serviront à financer leurs actions de protection de la nature. Mais le texte reste flou sur le caractère contraignant ou non des contributions des entreprises. Le montant réel qui sera collecté, principalement via des contributions volontaires, est donc encore incertain à ce stade.
Des tensions Nord/Sud jusqu’au bout
Plus largement, ce sommet, qui devait initialement s’achever vendredi, a joué les prolongations samedi en raison des fortes tensions entre pays du Nord et du Sud sur le financement des objectifs adoptés il y a deux ans pour enrayer le déclin de la biodiversité d’ici 2030.
L’adoption de ce fonds pour le partage des bénéfices des ressources génétiques est donc une victoire pour les pays en développement. Mais la question de sa mise en oeuvre effective et des montants qui seront réellement versés par les entreprises reste ouverte. La COP16 marque une avancée importante, mais le chemin est encore long pour parvenir à une réelle justice dans la répartition des richesses issues de la biodiversité mondiale.