Une vive querelle diplomatique a éclaté entre l’Inde et le Canada ces derniers jours, suite à des accusations émanant d’Ottawa visant de hauts responsables indiens. New Delhi a vigoureusement dénoncé ces allégations, les qualifiant d'”absurdes et sans fondement”, et met en garde contre de possibles conséquences sur les relations bilatérales.
Ottawa pointe du doigt le ministre indien de l’Intérieur
Selon des révélations de responsables canadiens relayées par le Washington Post, Amit Shah, ministre de l’Intérieur indien et proche allié du Premier ministre Narendra Modi, serait impliqué dans une campagne d’intimidation et de violence à l’encontre de militants sikhs séparatistes au Canada. Ces derniers militeraient pour la création d’un État indépendant appelé le Khalistan.
Plus précisément, Amit Shah est accusé d’avoir autorisé des opérations de collectes de renseignements et même l’assassinat en 2023 d’un certain Hardeep Singh Nijjar, leader sikh canadien âgé de 45 ans. Une agence d’espionnage canadienne affirme également que l’Inde utiliserait la cybertechnologie pour traquer les séparatistes à l’étranger.
L’Inde dément et dénonce des “insinuations infondées”
Le porte-parole du ministère indien des Affaires étrangères, Randhir Jaiswal, s’est exprimé samedi pour dénoncer avec “la plus grande fermeté” ces accusations visant Amit Shah. Il accuse les fonctionnaires canadiens de transmettre délibérément des “insinuations infondées” aux médias pour “discréditer l’Inde”.
“Le gouvernement indien proteste avec la plus grande fermeté contre les références absurdes et sans fondement faites au ministre de l’Intérieur de l’Union indienne”
Randhir Jaiswal, porte-parole du ministère indien des Affaires étrangères
New Delhi a convoqué un représentant du haut-commissariat canadien et lui a remis une note diplomatique pour exprimer son mécontentement. M. Jaiswal a mis en garde que “de telles actions irresponsables auront de graves conséquences sur les relations bilatérales”.
Un personnage controversé au cœur des tensions
La personnalité d’Amit Shah cristallise les tensions. Agé de 60 ans, il est considéré comme le bras droit de Narendra Modi et l’homme le plus puissant d’Inde après le Premier ministre. Leur alliance politique remonte à plusieurs décennies.
En 2005, alors qu’il était ministre de l’Intérieur du Gujarat, Shah avait déjà été accusé d’avoir ordonné l’exécution extrajudiciaire d’un gangster et de deux autres personnes. Brièvement emprisonné, il avait finalement été acquitté en 2014 après la large victoire électorale de Modi.
La plus grande communauté sikhe hors d’Inde
Le Canada abrite la plus grande communauté sikhe en dehors de l’Inde, avec un grand nombre de militants en faveur d’un État sikh indépendant, le Khalistan. C’est dans ce contexte que les autorités canadiennes affirment détenir des preuves d’une ingérence indienne.
Outre l’assassinat d’Hardeep Singh Nijjar à Vancouver en 2023, Ottawa accuse New Delhi d’avoir orchestré une vaste campagne d’intimidation à l’encontre de militants sikhs sur le sol canadien. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a personnellement affirmé qu’il existait des “indices clairs” de l’implication indienne.
Expulsions réciproques de diplomates
En réaction à ces accusations, qualifiées d'”absurdes” par l’Inde, les deux pays ont procédé à l’expulsion réciproque de leurs ambassadeurs ainsi que de cinq autres diplomates de haut rang. Un geste fort qui témoigne de l’extrême tension dans les relations indo-canadiennes.
Cette crise diplomatique risque d’avoir des répercussions durables sur les liens entre New Delhi et Ottawa. Elle illustre la sensibilité de la question sikhe, les limites de la souveraineté et la complexe imbrication des enjeux géopolitiques et des communautés diasporiques à l’ère de la mondialisation.