À une semaine du scrutin présidentiel américain, une tendance lourde se dégage des sondages : un écart sans précédent entre le vote des femmes et celui des hommes. Selon plusieurs sources, la candidate démocrate Kamala Harris bénéficie d’un soutien majoritaire chez les électrices, tandis que le républicain Donald Trump séduit davantage l’électorat masculin. Décryptage d’une polarisation historique qui pourrait bien faire de 2024 l’élection la plus genrée de l’histoire des États-Unis.
Un “gender gap” qui ne cesse de se creuser
Si l’écart entre le vote féminin et masculin, appelé “gender gap”, est observé depuis les années 80 outre-Atlantique, il n’a cessé de s’accentuer ces dernières décennies. Selon Olivier Richomme, professeur d’histoire politique des États-Unis, les thématiques portées par les démocrates, comme l’avortement, l’éducation ou la santé, résonneraient davantage auprès des femmes. À l’inverse, les hommes seraient plus sensibles aux questions économiques et sécuritaires, chères aux républicains.
Le profil des candidats cristallise les clivages
Mais en 2024, plusieurs facteurs semblent exacerber cette polarisation genrée. D’abord, le profil même des candidats : si Kamala Harris incarne la possibilité d’une première femme présidente, Donald Trump est associé à de multiples propos sexistes. “Avoir une femme candidate face à un homme connu pour son machisme, ça ne peut que nourrir le gender gap”, analyse une experte.
L’avortement, enjeu central de la campagne
Surtout, la question de l’avortement est revenue sur le devant de la scène après le renversement de l’arrêt Roe v. Wade par la Cour suprême en 2022. Alors que de nombreux États ont drastiquement restreint ce droit, Kamala Harris a fait de sa défense un argument majeur. Selon des proches de la candidate, cet enjeu expliquerait en grande partie son avance chez les femmes.
Si les hommes semblent moins concernés, pour beaucoup de femmes c’est une question existentielle. Elles ont peur de perdre la maîtrise de leur corps et de leur destin.
Une stratège démocrate
La stratégie ciblée de Donald Trump
Face à cette mobilisation, Donald Trump a fait le choix inverse : plutôt que d’essayer de convaincre les électrices, il a concentré ses efforts sur le cœur de son électorat masculin, en particulier les jeunes hommes. Le candidat républicain multiplie ainsi les interviews dans des podcasts peu conventionnels mais très écoutés par ce public, délaissant les médias traditionnels.
Une stratégie payante si l’on en croit les sondages, mais qui comporte des risques selon Olivier Richomme : “Parier sur un électorat féminin est souvent un meilleur calcul, car les femmes votent traditionnellement plus que les hommes”. Le professeur souligne également que cette polarisation à outrance n’est pas un bon signe pour la cohésion de la société américaine.
Quel impact sur le résultat final ?
Difficile pour l’heure de prédire qui, de Kamala Harris ou de Donald Trump, tirera le mieux son épingle du jeu. Si l’avance de la démocrate chez les femmes semble conséquente dans de nombreux swing states clés comme la Pennsylvanie ou le Michigan, certains stratèges républicains estiment que la mobilisation de l’électorat masculin pourrait créer la surprise.
Une chose est sûre : jamais une élection présidentielle américaine n’aura été autant un “combat des sexes”. Reste à savoir quel camp l’emportera dans les urnes le 5 novembre prochain. Dans un contexte de fortes divisions, le futur locataire de la Maison Blanche, qu’il soit un homme ou une femme, aura la lourde tâche de réconcilier deux Amériques qui semblent plus que jamais s’opposer sur la question du genre.