Près d’un colis sur quatre expédié par La Poste provient désormais des plateformes chinoises Shein et Temu. Un chiffre stupéfiant qui dépasse même les commandes Amazon. Ces bazars en ligne à prix défiant toute concurrence n’en finissent pas de séduire les consommateurs. Mais derrière des articles vendus à quelques euros se cachent des pratiques commerciales qui inquiètent de plus en plus les autorités. La Commission européenne vient d’ailleurs d’ouvrir une enquête contre Temu pour pratiques commerciales trompeuses. Que se cache-t-il derrière l’ascension fulgurante de ces empires chinois du e-commerce ? Enquête.
Shein et Temu, des prix imbattables mais à quel prix ?
Avec des vêtements, des bijoux ou encore de l’électroménager vendus à des prix défiant toute concurrence, Shein et Temu ont réussi en quelques années à s’imposer comme des acteurs majeurs du e-commerce. Leur secret ? Une stratégie low-cost poussée à l’extrême. Shein, qui a vu le jour en 2008, s’est spécialisée dans la fast fashion, proposant chaque jour des milliers de nouveaux articles ultra tendance à des prix dérisoires. Temu, lancée en 2022 par la maison mère de l’application Pinduoduo, mise elle sur une offre pléthorique allant de la décoration à l’high-tech.
Mais ce modèle ultra agressif, qui permet aux deux plateformes de casser les prix, se fait au détriment de la qualité et de la sécurité des produits. D’après une source proche du dossier, certains jouets vendus sur Temu présentent un réel danger pour les enfants. La plateforme a d’ailleurs déjà fait l’objet de plusieurs rappels de produits par les autorités américaines. « Les contrôles sont quasi inexistants et les normes largement bafouées », s’alarme notre source.
Une concurrence déloyale pour les commerces européens
Au-delà de la sécurité, c’est tout le modèle économique de Shein et Temu qui pose question. Avec des articles parfois vendus à perte, les deux géants chinois sont accusés de concurrence déloyale par de nombreux acteurs du commerce européen. « Ils ne jouent clairement pas avec les mêmes règles que nous. C’est impossible de s’aligner sur leurs prix sans casser sa marge », déplore un responsable d’une fédération de commerces indépendants.
Les avantages fiscaux et les subventions dont bénéficient les entreprises en Chine leur permettent en effet de réduire considérablement leurs coûts. Une situation jugée intenable par les commerces européens qui réclament des mesures pour rééquilibrer la concurrence. « Si on ne fait rien, Shein et Temu finiront par laminer tout le secteur », s’inquiète un expert du e-commerce.
L’Europe contre-attaque
Face à ces dérives, l’Europe semble décidée à sévir. En ouvrant une enquête contre Temu, la Commission européenne envoie un signal fort. Elle soupçonne la plateforme de pratiques commerciales trompeuses, notamment sur l’origine des produits et les délais de livraison. « C’est un premier pas important mais il faudra aller plus loin », estime un eurodéputé impliqué sur ces questions.
Car au-delà de Temu, c’est tout le secteur qui doit être mieux régulé selon lui. Shein est également dans le viseur des autorités européennes. Plusieurs alertes ont été lancées sur la présence de substances dangereuses dans ses vêtements. Un rapport accablant qui pourrait déboucher là aussi sur une enquête.
Il est temps que l’Europe se dote d’instruments pour protéger ses consommateurs et ses entreprises. On ne peut plus accepter ce dumping permanent.
Un responsable européen
Vers une prise de conscience des consommateurs ?
Malgré ces alertes, Shein et Temu conservent pour l’instant une popularité insolente, en particulier chez les jeunes attirés par la mode à petits prix. Mais les mentalités commencent à évoluer. De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer les dérives de la fast fashion et ses conséquences désastreuses sur l’environnement et les droits des travailleurs.
« On ne peut plus fermer les yeux. Derrière ces prix bas se cache une réalité très sombre », alerte une association de défense des consommateurs qui appelle à boycotter ces plateformes. Un mouvement encore minoritaire mais qui prend de l’ampleur, porté par une jeunesse de plus en plus sensible aux enjeux éthiques.
Face à cette pression croissante, Shein et Temu tentent de verdir leur image avec des engagements sur le développement durable et la transparence. Mais pour beaucoup, ces effets d’annonce ne suffisent pas. Seul un changement radical de leur modèle économique pourra restaurer la confiance. Un défi immense pour ces empires du low-cost bâtis sur la course aux prix bas. L’avenir dira s’ils sont capables de cette révolution. En attendant, la vigilance reste plus que jamais de mise pour les consommateurs.