À l’approche de l’élection présidentielle américaine de 2024, des pages Facebook prétendant soutenir la vice-présidente Kamala Harris dissimuleraient en réalité un tout autre agenda. Selon une étude de l’American Sunlight Project (ASP) qui lutte contre la désinformation, des dizaines de ces groupes diffuseraient des attaques racistes envers la candidate ou feraient la promotion de son rival Donald Trump, dans le but apparent de tromper et manipuler les électeurs.
Une popularité détournée pour piéger les internautes
L’ASP a analysé plus de 300 groupes Facebook s’affichant comme favorables à Kamala Harris. Mais derrière cette façade, beaucoup répandraient de la désinformation électorale ou capitaliseraient simplement sur la notoriété de la vice-présidente pour faire la publicité de divers produits. D’après Nina Jankowicz, cofondatrice de l’ASP, ces pages où la confiance est généralement élevée seraient un terreau idéal pour instiller des idées trompeuses.
Si ce phénomène de leurre toucherait tous les bords politiques, y compris le camp de Donald Trump, il aurait littéralement « explosé » concernant Kamala Harris depuis son entrée dans la course à la Maison Blanche à l’été 2023. L’étude suggère néanmoins qu’il ne s’agirait pas d’une campagne concertée mais d’initiatives éparses visant à surfer sur sa popularité.
Des attaques racistes à peine voilées
Sous couvert de rassembler « les fans de Kamala Harris », certains groupes distilleraient en réalité des messages douteux, voire ouvertement racistes. Un post montrant une femme se barbouillant de peinture noire prétendrait ainsi ironiquement que la candidate « se prépare à parler aux Afro-Américains ». Une référence à peine voilée aux propos de Donald Trump accusant sa rivale d’être « devenue noire » de façon opportuniste.
Certains groupes Facebook dédiés à Kamala Harris diffusent des contenus trompeurs, racistes ou faisant la promotion de son rival Donald Trump, sans doute pour influencer l’électorat.
– Nina Jankowicz, ASP
D’autres pages baptisées « Voix démocrates pour la présidente Kamala Harris 2024 » abriteraient en fait des messages de soutien au slogan trumpiste « Make America Great Again » ou des vidéos d’influenceurs conservateurs usant d’une rhétorique hostile aux immigrés, dans la droite ligne de l’ancien président.
Modérateurs étrangers et contenus sans rapport
Autre enseignement troublant de l’étude, de nombreux groupes analysés seraient administrés par des personnes basées hors des États-Unis, notamment en Afrique ou en Europe de l’Est, sans lien apparent entre elles. Certaines pages relaieraient des contenus complètement hors sujet, allant de spams publicitaires à des messages religieux sectaires, en passant par de la simple désinformation. Beaucoup auraient aussi changé de nom à de multiples reprises pour coller aux tendances du moment et maximiser leur audience.
Meta promet des mesures, les chercheurs s’inquiètent
Contacté par l’AFP, un porte-parole de Meta a assuré que la protection de l’intégrité des élections était une « priorité numéro un » et que les règles seraient appliquées en cas de « tromperies complexes ». L’ASP pointe néanmoins la fermeture par la maison-mère de Facebook de certains outils de suivi en temps réel des campagnes de manipulation, compliquant la tâche des chercheurs pour prendre la pleine mesure d’un phénomène potentiellement grandissant.
À un peu plus d’un an du scrutin présidentiel, dans un climat politique polarisé, les experts appellent les internautes à redoubler de vigilance face à la désinformation qui pourrait se répandre comme une traînée de poudre. Le cas des groupes de soutien douteux à Kamala Harris pourrait n’être que la partie émergée d’une vaste entreprise de manipulation électorale sur les réseaux sociaux, selon Nina Jankowicz.
Une chose est sûre, la course à la Maison Blanche s’annonce plus incertaine et électrique que jamais, et les grands réseaux sociaux comme Facebook seront une fois de plus en première ligne. Reste à savoir s’ils seront à la hauteur pour endiguer le fléau des leurres numériques et de la propagande qui menace d’empoisonner le débat.