En ce 70e anniversaire du début de la guerre d’indépendance algérienne, un événement marquant a secoué le pays : la libération du journaliste Ihsane El Kadi et d’une dizaine d’autres détenus d’opinion liés au mouvement pro-démocratie du Hirak. Cette grâce présidentielle, signée par le président Abdelmadjid Tebboune, a suscité une vague d’espoir et de soulagement parmi les défenseurs des droits humains et de la liberté de la presse en Algérie et à l’international.
Le calvaire d’Ihsane El Kadi prend fin
Directeur de l’un des derniers groupes de médias indépendants en Algérie, Interface Médias, Ihsane El Kadi a passé plus de 23 mois derrière les barreaux. Condamné en appel en juin 2023 à sept ans de prison, dont cinq fermes, pour des accusations de “financement étranger” visant à “porter atteinte à la sûreté de l’État”, le journaliste de 65 ans a finalement retrouvé les siens le 1er novembre.
Sa libération a été saluée par de nombreuses organisations, à l’instar de Reporters sans frontières (RSF) qui a exprimé son “immense soulagement”. Khaled Drareni, représentant de RSF en Afrique du Nord et ancien collaborateur d’El Kadi, a souligné l’espoir que cette mesure soit “le signal d’une levée des restrictions à la liberté de la presse” en Algérie.
Un groupe de presse indépendant réduit au silence
L’arrestation d’Ihsane El Kadi et la dissolution de son groupe de presse ont porté un coup dur au paysage médiatique algérien. Radio M, l’une des entités d’Interface Médias, a été fermée en juin suite à la confirmation par la justice de la dissolution de sa société éditrice. Quant au site Maghreb Emergent, orienté économie, il reste actif malgré les pressions.
L’affaire Ihsane El Kadi illustre la répression continue des voix indépendantes et critiques en Algérie. Sa libération est une lueur d’espoir, mais le chemin vers une presse libre et plurielle est encore long.
– Khaled Drareni, Représentant de RSF en Afrique du Nord
D’autres figures du Hirak libérées
Outre Ihsane El Kadi, au moins onze autres détenus liés au mouvement de contestation du Hirak ont été libérés suite aux décrets présidentiels. Parmi eux, Mohamed Tadjadit, 29 ans, surnommé le “poète du Hirak” pour ses vers engagés déclamés lors des manifestations ou partagés sur les réseaux sociaux.
Le Hirak, né en février 2019, avait conduit à la démission du président Abdelaziz Bouteflika après 20 ans de règne. Cependant, l’élan démocratique a été progressivement étouffé à partir de 2020, avec l’interdiction des rassemblements et l’incarcération de figures de proue du mouvement.
La répression des droits se poursuit malgré les libérations
Si ces libérations sont un signal positif, les organisations de défense des droits humains restent préoccupées par la situation en Algérie. En février 2023, Amnesty International dénonçait une “répression continue, sans relâche” des libertés d’expression, de réunion pacifique et d’association.
Plus d’une centaine de militants du Hirak seraient toujours emprisonnés, à l’image de Brahim Laalami, ce courageux citoyen qui avait osé manifester seul dès février 2019 contre la candidature de Bouteflika à un 5e mandat. Un symbole fort de la détermination du peuple algérien dans sa quête de changement démocratique.
L’Algérie recule dans le classement de la liberté de la presse
Le chemin vers une Algérie plus libre et démocratique reste semé d’embûches. Dans son classement 2023 de la liberté de la presse, Reporters sans frontières place le pays à la 134e position sur 180, un recul de trois places par rapport à l’année précédente.
Malgré ces défis, l’espoir demeure. La libération d’Ihsane El Kadi et d’autres détenus d’opinion montre que la mobilisation de la société civile et la pression internationale peuvent faire bouger les lignes. C’est un premier pas encourageant, mais le combat pour les droits et libertés en Algérie est loin d’être terminé.
À l’heure où l’Algérie célèbre le 70e anniversaire du début de sa guerre d’indépendance, il est plus que jamais crucial de se souvenir des idéaux de liberté et de démocratie pour lesquels tant d’Algériens se sont battus. La route est encore longue, mais chaque victoire, aussi petite soit-elle, rapproche le pays de cet horizon tant espéré.